A l’occasion de la présentation de l’étude du cabinet Trans-Missions, la Fnaut rappelle ses positions sur le transfert sur route de services ferroviaires.
M. Spinetta, comme le président de la SNCF, propose de fermer massivement les lignes régionales peu fréquentées.
Selon M. Spinetta, ces lignes (UIC 7 à 9) ne servent pas à grand chose et sont un fardeau financier : « il est impensable de consacrer 1,7 milliard € par an à 2 % des voyageurs et 10 000 km de lignes » (voir ci-dessous la carte des flux TER).
Mais force est de constater que, depuis les années 1920, des milliers de km de « petites lignes » ont été supprimés au détriment du maillage du réseau sans pour autant rétablir la santé financière du rail car l’effet réseau a été réduit : les petits ruisseaux font les grandes rivières…
Trains rares, clients rares
M. Spinetta ne s’interroge pas sur la faiblesse de la clientèle, alors que les routes parallèles sont souvent surchargées : il évoque ainsi ces trains « peu fréquents ET peu fréquentés », sans voir qu’il fallait remplacer ET par DONC.
Cette faiblesse de la fréquentation n’a rien de structurel. Elle résulte d’une exploitation déplorable par la SNCF et à des coûts excessifs, de la vitesse insuffisante (1h10 pour aller de Roumazières à Angoulême, 52 km), de la dégradation des infrastructures, des ralentissements, des retards et suppressions de trains.
Innovations ignorées
M. Spinetta ignore totalement les innovations techniques et commerciales qui expliquent la croissance du trafic observée en Suisse, en Allemagne, en Italie, en Grande-Bretagne (même sur les lignes qui desservent des zones faiblement peuplées) et permettent de réduire les coûts d’exploitation. Dans ces pays, les petites lignes sont exploitées de manière innovante : arrêts à la demande, trains mixtes (avec messagerie) comme les cars postaux, relance du trafic de fret.
En Suisse, on remplit les trains. En France, on ne sait pas les remplir, et on les supprime en prétextant qu’ils sont vides et que le car est moins cher.
Selon un directeur à la SNCF : « sur une ligne à 500 passagers quotidiens, il est plus économique et près des besoins de faire rouler des cars fréquents de 50 places que deux trains quotidiens de 250 places ». Si le train est rare, la clientèle est maigre…
M. Spinetta propose que l’Etat confie la rénovation des petites lignes aux Régions, mais sans moyens financiers, alors qu’elles peinent déjà à financer l’exploitation des TER.
Solution de facilité
Ce qui est cher, ce n’est pas le rail, c’est la SNCF. Le transfert sur route est une solution de facilité qui lui évite de faire les efforts techniques et commerciaux nécessaires. Il évite aussi à certaines Régions d’avoir à traiter les déficiences de leur gouvernance des trains TER.
Un moratoire sur la fermeture de ces lignes est donc indispensable tant des études socio-économiques solides, basées sur les possibilités d’un rail performant, n’auront pas été effectuées, que les infrastructures n’auront pas été modernisées et qu’une offre adaptée aux besoins locaux n’aura pas été mise en place, ce qui passe par une mise en concurrence des opérateurs ferroviaires et une exploitation en délégation de service public. Les Régions conservant la maîtrise de l’offre et de la tarification, il n’y a pas lieu d’évoquer une privatisation. La concurrence permettrait une sérieuse réduction des coûts d’exploitation des trains, de régénération et de maintenance des infrastructures (Fnaut Infos 212 et 213), ce que M. Spinetta oublie quand il calcule le coût, insupportable selon lui, du maintien en activité des petites lignes…
Transports du quotidien
Alors que l’emploi et les services se regroupent peu à peu dans les grandes villes, supprimer les petites lignes régionales dégraderait les « transports du quotidien » des habitants des villes moyennes et petites, et des zones rurales, montagneuses en particulier. Selon un lecteur de La Croix : « s’il faut fermer une ligne non rentable, il faut fermer aussi nombre de « petites routes » qui ne voient passer que quelques véhicules par jour, et ne plus distribuer le courrier et l’électricité dans les villages isolés ».