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Position FNAUT : une relance des Services Express Régionaux Métropolitains (SERM) ?

04 Mai 2023

Dans un message diffusé sur  »you tube » le 27 novembre 2022, le Président de la République a affirmé sa volonté de développer un transport ferroviaire du quotidien de type RER dans dix métropoles françaises. Le Premier Ministre est chargé de mettre en œuvre ces projets, mais ni la liste des heureuses élues, ni les éventuels engagements financiers de l’Etat n’ont été précisés. De cette communication considérée comme une annonce nouvelle, c’est surtout le terme de RER qui a retenu l’attention des médias et des agglomérations potentiellement concernées.

Un objectif de la LOM

Pourtant cet objectif n’est pas nouveau. En effet la Loi d’Orientation des Mobilités (LOM) de décembre 2019 a fixé une ambition forte de doublement de la part modale du train dans les grands pôles urbains et a demandé SNCF Réseau de présenter un plan d ‘ensemble au gouvernement. Cet organisme a réalisé et publié en mars 2020 un schéma directeur sous le titre  »Etoiles ferroviaires et services express métropolitains ». Dans ce document outre une analyse complète du contexte de la métropolisation, des esquisses de projet sont présentées pour une quinzaine d’agglomérations ainsi que des recommandations pour leur mise en oeuvre.

Plusieurs agglomérations identifiées dans ce schéma comme susceptibles d’être intéressées ont depuis lors lancé des études et même pour certaines d’entre elles (Bordeaux, Strasbourg en particulier) engagé des actions concrètes de renforcement  des dessertes ferroviaires sous des vocables différents.

Qu’entend-on par cet acronyme RER ?

Quand on évoque un RER, on pense immédiatement à la Région Parisienne. Celle-ci comporte à la fois des lignes de banlieue à forte fréquence baptisées Transilien, et un réseau RER. Commencé depuis près de 50 ans, le RER Francilien se compose aujourd’hui de cinq lignes, dont certaines en cours d’extension. Quelles sont leurs  principales caractéristiques :

  • elles sont traversantes et ont nécessité d’importants travaux d’infrastructures nouvelles particulièrement onéreux avec une aide massive de l’Etat..
  • elles présentent des fréquences importantes supérieures au ¼ d’heure pendant une large plage horaire.
  • la part modale des déplacements qu’elles assurent est conséquente (50% pour le ferroviaire en IDF)
  • la Région Ile-de -France en sa qualité d’Autorité Organisatrice de la Mobilité (AOM) a mis en place un Syndicat unique (IDFM) qui finance les infrastructures et décide de l’exploitation de ces lignes confiée aujourd’hui à la SNCF et à la RATP selon un découpage historique.
  • elles s’étendent à l’espace de la Région.
  • elles s’utilisent avec un billet unique commun avec les autres modes de transport public.

L’exemple allemand mérite également d’être analysé. On compte dans ce pays 19 réseaux de S-Bahn au gabarit ferroviaire et 6 au gabarit tram-train. Le concept est né à Berlin en 1920 et s’est développé à partir des années 1960-1970 sur l ‘ensemble du territoire. En RFA, la législation prévoit une participation financière de l’Etat Fédéral pouvant aller jusqu’à 50% des investissements d’infrastructure.

Un S-Bahn est défini de manière précise par la littérature technique. C’est un système de transport ferroviaire utilisant des rames réversibles adaptables en fonction du trafic avec des arrêts espacés, des portes d’accès larges,un plancher des véhicules à la même hauteur que le quai et une fréquence inférieure ou égale à 20 minutes.

Il faut noter que les réseaux dépassent largement les limites d’une agglomération pour s’étendre à toute une région urbaine ou à une ville et son hinterland régional et qu’une coordination tarifaire est prévue avec l’ensemble des transports publics de la région.Au vu de ces caractéristiques, l’objectif affiché par le Président de la République de réaliser des RER stricto sensu, comparables au réseau Francilien ou au système allemand, dans dix agglomérations ne peut être que de long terme et nécessiter des investissements conséquents. A moyen terme il est plus logique de parler du développement d’un transport ferroviaire du quotidien.

La situation actuelle

Les caractéristiques des projets les plus avancés sont loin de correspondre à  celles du RER Francilien, des réseaux de S Bahn allemands ou du réseau franco-suisse CEVA organisé autour de Genève (Léman express) qui peut également lui être comparé. D’où une question sémantique se pose : comment les nommer ?

Chaque cas est particulier car les projets couvrent des espaces géographiquement différents. Si tous dépassent les limites de l’aire urbaine, ils s’en éloignent plus ou moins (beaucoup à Bordeaux, moins à Strasbourg) tout en restant à l’intérieur du département (mais le REME de Strasbourg envisage à terme une desserte transfrontalière). Les infrastructures nouvelles sont absentes ou de faible importance, le caractère traversant est plus ou moins marqué, le maîtrise d’ouvrage est organisée de manières diverses. Dans ces conditions, il sera difficile de trouver une dénomination unique à l’instar des systèmes allemand, suisse, espagnols, etc.. pourtant bien nécessaire pour renseigner l’usager occasionnel sur ce qu’il peut en attendre ( fréquence en particulier).

Les conditions de réussite des projets

Pour la FNAUT il s’agit en premier lieu de réaffirmer que les transports ferroviaires doivent constituer l’armature principale indispensable des transports de l’aire urbaine et au-delà, être connectés aux transports publics urbains, suburbains et régionaux par l’intermédiaire de pôles d’échanges multimodaux (PEM). Mais dans ce contexte en pleine évolution, il convient de déterminer un certain nombre de points de vigilance pour s’assurer de la réussite de tels projets, même si dans une première étape il ne s’agit que d’utiliser au maximum la capacité du réseau existant.

Il est ainsi indispensable, sauf à ruiner les efforts entrepris, d’accompagner le développement des RER d’une intégration de l’information, de la billetterie et de la distribution entre les différents prestataires de mobilité (ce qui est aujourd’hui loin d’être le cas dans la grande majorité des régions urbaines).

L’offre doit être de qualité (fréquence, desserte traversante partout où elle est possible, amplitude horaire importante, service de journée avec horaires réguliers,  service incitatif les fins de semaine). Le matériel doit être doté d’une forte capacité d’emport et de performances en terme d’accélération et de freinage. L’augmentation des flux de voyageurs doit être anticipée (accessibilité, fluidité).

Il faut s’assurer que les études  prennent en compte l’ensemble des trafics (TGV, Intercités, TER, Fret, autoroutes ferroviaires) dans une approche globale car un transport de type RER renforce l’hétérogénéité des services. Strasbourg a la chance (comme Metz et Mulhouse) de disposer d’un itinéraire de contournement pour le trafic marchandises. Ce n’est pas le cas pour les autres grandes villes. Dans ces interventions publiques, SNCF Réseau ne manque pas d’indiquer qu’il n’existe pas de problèmes majeurs de renforcement de capacité sur les lignes mais que les nœuds restent le point dur pour le développement des circulations. A titre d’ exemple , pour transférer sur le ferroviaire 20% des 10 000 camions en transit quotidien sur la rocade, il faut faire passer 25 trains de fret par jour dans chaque sens en gare de Bordeaux. Ce sera difficile à réaliser sans investissements lourds même après la réalisation du GPSO.

La mise en place du réseau express local s’accompagne du développement de pôles principaux de transport dans l’agglomération (points de correspondances entre lignes périurbaines et régionales, entre ferroviaire et transport collectif routier). Les usagers en attendent un accès élargi à tous les modes de la mobilité (y compris vélos, véhicules partagés, etc.), ainsi qu’à l’information et l’achat de titres de transport, qui ne doivent pas être assurés que par les gares centrales.

Pour un meilleur équilibre des flux de transport, pour encourager la ville des courtes distances et faciliter la vie des habitants, la coordination des programmes d’urbanisation et de transport est très souhaitable, visant en particulier des quartiers de gare bien équipés en services et commerces, et plus généralement une plus grande mixité des fonctions urbaines.

L’importance d’une Maîtrise d’Ouvrage unique, solide et responsable financièrement et techniquement est primordiale : il ne s’agit pas seulement de construire des clés de financement des investissements et des  »déficits » de fonctionnement, mais de pouvoir gouverner dans les moments difficiles (aléas des travaux, révision des couts, délais, etc…). La constitution d’un syndicat mixte Région/Métropole est une solution intéressante. La question du financement est essentielle car l’ampleur des travaux à envisager est considérable. Il faudra certainement réfléchir à des solutions mobilisant sous forme de taxe la valeur ajoutée créée par ces réseaux.

Il faut prendre en compte le changement des modalités d’exploitation et de maintenance induit par le système RER (forte fréquence, amplitude horaire, mise à disposition des matériels, circulation en mode dégradé, information des voyageurs, installations de garage des rames et de maintenance légère en bout de ligne, etc…).

Même si le projet ne peut que se réaliser que progressivement, il convient de fixer un objectif final ambitieux d’augmentation de l’offre et de report modal et de prévoir les étapes d’aménagement et de renforcement des infrastructures. A Bordeaux, l’objectif de 38 000 voyageurs/jour pour 2030 (18 000 aujourd’hui) n’aura qu’un impact faible sur les déplacements quotidiens. Il faudra nécessairement voir plus grand ne serait-ce que pour éviter que des premiers investissements de court terme soient à revoir lors de la montée en puissance du projet.

Détourner une partie significative du trafic automobile vers le chemin de fer doit constituer un objectif essentiel. Cela suppose l’adjonction, dans chaque gare ou point d’arrêt desservis d’un parc d’échange multimodal (PEM) dimensionné selon le transfert modal escompté et vers lequel doivent converger des lignes routières de rabattement

De plus, il ne faut pas oublier que les étoiles ferroviaires existantes qu’il est proposé d’utiliser pour la mise en place des systèmes de RER, sont principalement radiales, ne desservent pas l’ensemble du territoire de l’aire urbaine et ne peuvent répondre que partiellement par les liaisons traversantes aux besoins de transport de rocade (banlieue à banlieue). Pour ces deux raisons, la mise en place des cars express disposant de priorités de circulation (feux tricolores, voies réservées, portions de site propre,  etc…) doit impérativement être intégrée au projet.

Deux options s’offrent pour l’exploitation du réseau : soit une DSP individualisée  soit une insertion dans la convention régionale TER. Les deux hypothèses ont leurs avantages et leurs inconvénients : seules les caractéristiques locales peuvent permettre de trancher.

La participation des usagers

Enfin et c’est sans doute le point de vigilance le plus important, il est nécessaire que la place des représentants des usagers, dans la préparation et le suivi du projet soit bien précisée et suffisante pour leur permette de donner leur avis sur le projet et ses différentes phases (études, découpage et réalisation des travaux). Bien sûr, l’objectif souhaitable est le système francilien (participation d’un représentant des usagers au CA du maitre d’ouvrage) mais d’autres formes peuvent être envisagées dans un premier temps (comité technique, comité des partenaires par exemple).

Consulter la position de la FNAUT sur les RER (pdf)

La position a été rédigée par Alain ROUX, pilote du réseau de l’interface rail-route de la FNAUT – alain.roux56@orange.fr