Utilisé pour désenclaver des zones périurbaines et rurales ou remplacer des lignes de bus peu empruntées, le transport à la demande complète la galaxie de modes publics de mobilité. Zoom sur cette solution « cousue main », adoptée par près de 200 réseaux urbains en France, notamment à Orléans, où elle monte en puissance.
Que faire quand un trou béant s’annonce dans l’emploi du temps ? Rester au lycée ? Rentrer à la maison ? Fiona, 16 ans, n’a pas hésité à repasser chez elle, dans une zone pavillonnaire de Saint-Jean-de-Braye, en première couronne d’Orléans. Car elle savait qu’elle pourrait facilement en repartir, pour être de retour en classe à 16 heures.
La voici qui s’avance, sous la pluie, vers l’arrêt Résa Tao, le dispositif de transport à la demande de la métropole. Un Ford Transit de six places est déjà là. L’élève de première monte, valide son passe – un seul et même abonnement qui lui permet d’emprunter le bus, le tram ou encore la navette fluviale, et bientôt le vélo et la trottinette – et attache sa ceinture. Cette course, commandée la veille, lui permet d’être au lycée en un quart d’heure. « Sans le transport à la demande, j’aurais dû marcher beaucoup plus, prendre un bus, puis le tram. Un trajet d’une bonne demi-heure », calcule Fiona.
Jusqu’au dernier moment
Au volant, Stéphanie, la cinquantaine, employée d’une entreprise d’insertion à laquelle Keolis (1), l’exploitant du réseau, a confié une partie du transport à la demande. Dans l’habitacle, cet après-midi, pas d’autre passager que la lycéenne, qui se croirait presque à bord d’un taxi.
Mais 70 % des trajets se font en compagnie d’un ou d’autres voyageurs, invités à réserver via une appli, en ligne ou par téléphone, au plus tôt un mois à l’avance, et jusqu’au dernier moment, en indiquant au choix leur horaire de départ ou d’arrivée. Au fur et à mesure, un algorithme redéfinit le trajet de chacune des 58 navettes pour optimiser les déplacements et éviter aux usagers des détours excessifs.
Pas un habitant à moins de 500 mètres d’une solution de transport public
Le dispositif concerne quatre zones, qui s’étendent de communes limitrophes d’Orléans vers les confins périurbains, voire ruraux de la métropole, et qui comportent chacune entre environ 60 à 200 arrêts. À l’intérieur de chacune d’elles, il est possible de recourir au transport à la demande pour se rendre de ces points prédéfinis à un autre ou bien à une zone de « rabattement », comme la place Léon-Blum, devant le lycée de Fiona, à Saint-Jean-de-Braye, où passent cinq lignes de bus et une ligne de tramway permettant de rejoindre rapidement le centre d’Orléans et d’autres pans de la métropole.
Quarante arrêts supplémentaires sont prévus d’ici septembre. « Ce complément permettra de connecter au réseau les 18 000habitants de notre territoire (sur le 288 000 qu’il totalise) qui n’avaient pas, jusqu’ici, de solution de transport public à moins de 500 mètres de leur domicile », souligne Romain Roy, le vice-président d’Orléans métropole chargé des transports et déplacements.
Des minibus deux à trois fois moins gourmands en carburant
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Un demi-million de trajets en 2024
D’ailleurs, assure-t-il, si son réseau a réussi à réduire de 80 % en cinq ans ses émissions de gaz à effet de serre par kilomètre, c’est pour un tiers grâce à l’essor du transport à la demande (2). En 2023, ce dispositif a totalisé 400 000 trajets, l’équivalent d’une des dix lignes de bus les plus fréquentées et de plus d’1 % des trajets effectués sur le réseau. Dans quelques années, il devrait dépasser le cap du demi-million. « Il a contribué, avec les autres offres de mobilité publiques, à faire reculer le trafic routier, se réjouit Romain Roy. Ce sont chaque jour 5 000 voitures de moins qui circulent à l’intérieur de la métropole. »
À Orléans, le transport à la demande, lancé il y a une dizaine d’années, trace ainsi peu à peu sa route. À partir de septembre prochain, on pourra y recourir, entre 21 h 30 et 6heures, pour se rendre y compris d’une zone à une autre, autrement dit, le cas échéant, traverser de part en part la métropole, toujours pour le prix d’un trajet ordinaire (compris dans un abonnement ou payé, plein tarif, 1,80 € à l’unité).
Bientôt des navettes autonomes ?
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En Seine-et-Marne, des passagers raccompagnés à domicile
Un vrai « travail de dentelle ». À l’intérieur d’un même territoire, comme le Pays de l’Ourcq, à l’extrême Nord de ce même département, le transport à la demande évolue suivant les horaires. Matin et soir, il permet la correspondance avec le train, avec, assure IDFM, « des arrivées et départs garantis » (avant de repartir, la navette attend par exemple le train soit arrivé, même s’il accuse du retard). De 9 h 00 et 15 h 30, le service évolue pour permettre des déplacements « en toute liberté », avec des navettes qui viennent carrément chercher les usagers à leur domicile ou les y raccompagnent.
À la Fnaut, fédération nationale d’usagers des transports, on suit de près ce phénomène. Alain Richner, vice-président de la Fnaut :
Hélas, les dispositifs de transport à la demande demeurent souvent méconnus, faute de publicité suffisante, notamment auprès de voyageurs de passage dans les territoires concernés… Il faudrait aussi que chaque usager puisse attendre sa navette à un vrai arrêt, bien visible, à l’abri des intempéries, et non à ciel ouvert, au bord d’une route nationale où les automobilistes roulent comme des fous
Ce responsable associatif voit dans le transport à la demande « un pis-aller » plutôt qu’« une panacée ». Il met en tout cas en garde contre la tentation que peuvent avoir certains gestionnaires de réseau de se servir de ce dispositif pour remplacer des lignes régulières « qui ont fait la preuve de leur utilité ».
Chez Keolis Orléans, Antoine Lequeux assure que « la forte demande de transport à la demande observée sur certains axes a conduit à y créer de nouvelles lignes de bus ». Il assure aussi que 80 % des demandes de transport à la demande obtiennent une réponse positive. « À défaut, l’usager se voit proposer un autre horaire ou une solution alternative, avec les moyens de transport classiques. »
Article publié dans La Croix, écrit par Denis Peiron