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L'État enterre le plan vélo

15 Jan 2025

Depuis juin 2024, après une courte période de flottement positif assimilable à un « été indien », l’Etat est revenu à ses fondamentaux en matière de mobilités.

Malgré la mort d’un cycliste à Paris, victime d’un automobiliste trop pressé – ce qui a mis l’accent sur la place grandissante du vélo et la nécessité de sécuriser les parcours cyclables – on peut déplorer l’abandon du plan vélo 2023-2027, épisode significatif de la politique de l’Etat. Après avoir dépensé sans compter près de 8 milliards d’euros (plus de trois fois le plan vélo sur cinq ans !) pour maintenir les prix des carburants en dessous de la barre des 2 €, à rebours de toute politique cohérente de mobilité, le même Etat cherche à financer le moins possible d’investissements ferroviaires, sollicitant ici les communes pour boucler le financement des LGV, et là les Régions ou les usagers eux-mêmes pour rénover son réseau…

Une absence de vision à long terme

Pas plus tard qu’en juillet dernier, l’Etat, expédiant ses affaires courantes, avait encore mobilisé les signatures de 6 ministres (!) au bas d’un contrat de filière, pour s’engager conjointement avec la filière économique du vélo, reconnaissant que le vélo « avait démontré qu’il permettait de répondre aux crises économique, énergétique, sanitaire et sociale de ces dernières années ». Mais pour que l’usage du vélo se développe, il faut des infrastructures, la mise en place d’un véritable « système vélo », et donc des financements. Sans infrastructure, pas de filière économique.

Or les investissements en faveur du vélo sont, comme beaucoup d’autres en matière de mobilités, une affaire de long terme et de confiance des acteurs, incompatible avec des décisions politiques de court terme inconsistantes et sans vision d’avenir. Et ce n’est pas du côté des collectivités locales que le sursaut viendra, elles aussi en grandes difficultés suite au rabotage économique de l’Etat. Or les financements du plan vélo profitaient surtout aux collectivités rurales et périurbaines qui se sentent parfois délaissées et qui disposent de moins de moyens
pour ce genre de politiques publiques.

Les collectivités étaient prêtes à s’investir à condition d’y être incitées : depuis 4 ans, des centaines de plans vélos, de schémas directeurs cyclables, ont été étudiés, et des travaux sont en cours ou sur le point de démarrer. Nombre de ces projets sont déjà stoppés faute de visibilité, et l’avenir même des personnes chargées de mettre en place cette politique cyclable dans les territoires est compromis. Pourtant la moitié des
déplacements du quotidien fait moins de 5 km dans les territoires ruraux et périurbains : le potentiel du vélo est réel, y compris en zone rurale.

Des investissements rentables

Une politique cyclable rapporte beaucoup plus qu’elle ne coûte : un kilomètre réalisé
à vélo, c’est un euro économisé sur les coûts de santé publique, domaine où l’usage du vélo apporte le plus grand bénéfice : selon une étude récente (étude publiée par le CNRS, le CNAM et le CIRED dans The Lancet en avril 2024), la part modale actuelle
du vélo de 3 % permet déjà d’éviter 2 000 décès par an, et de gagner 5 milliards d’économies sur la santé publique chaque année. L’ambition du plan vélo d’Elisabeth Borne était de porter cette part modale à 9 % d’ici à 2030. Une pratique régulière du vélo permet de réduire de 10% le taux de mortalité chez les adultes et de lutter contre la sédentarité et le surpoids qui en résulte.

L’investissement en voies cyclables en lui-même est faible, dérisoire même par rapport
au global des investissements de mobilités : un kilomètre de piste cyclable coûte de 150 000 à 500 000 euros. En comparaison, un kilomètre de route simple coûte au minimum 2 millions d’euros et un kilomètre d’autoroute près de 10 millions d’euros. Le retard à rattraper en France en matière de voies cyclables est colossal, pour permettre le report modal sur les petits trajets et les rabattements vers les transports publics.

Le vélo est le principal allié des transports en commun puisqu’il propose une solution
efficace et économique de rabattement vers les réseaux de transports lourds. Il n’y aura d’ailleurs pas de système de transport alternatif à la voiture sans un développement important des infrastructures cyclables et des services associés.

Une politique cyclable ambitieuse est certainement un des meilleurs investissements à
faire aussi bien économiquement que pour l’environnement ou la santé publique comme le montrent des études faites aux Pays-Bas. L’Etat reniant sa signature, la réalisation des voies cyclables ne reposerait plus maintenant que sur l’implication des collectivités locales. Or le pourcentage affecté aux infrastructures vélo dans les CPER varie de 3 à 18 % des investissements suivant les régions déjà signataires ; la mobilisation des départements, dont la situation financière est très mauvaise, est aussi aléatoire, alors qu’ils jouent un rôle essentiel en faveur d’un réseau vélo, de même que les intercommunalités. Quant à la signature de l’Etat en bas de ces mêmes CPER, on peut avoir des doutes … L’abandon annoncé du soutien de l’Etat à toute politique cyclable en France est une erreur, souhaitons que cela soit corrigé…

Article intégral

Article paru dans Fnaut Infos n°311, rédigé par Gilles Laurent