Nos actualités

Étude de la Fnaut : usages et attentes des voyageurs dans le contexte de la crise sanitaire

25 Avr 2022

La Fnaut a analysé les conséquences de la pandémie sur les droits des voyageurs en cas de prestations annulées par le transporteur et en cas de prestations devenues impossibles pour des raisons extérieures au transporteur. Elle a mis en relief ses positions et actions pour faire respecter les droits des voyageurs. En outre elle a étudié à l’aide d’un questionnaire les conséquences de la crise sanitaire sur les habitudes de déplacement.

L’ANALYSE DES CONSÉQUENCES DE LA PANDÉMIE SUR LES DROITS DES VOYAGEURS

La crise sanitaire en 2020, 2021 et 2022 a malmené les droits des voyageurs dans deux cas :

1er cas : les remboursements des prestations de transport annulées par le transporteur

1. Contexte juridique

D’une part les annulations massives de vols, notamment lors du premier confinement au printemps 2020, ont conduit les compagnies aériennes à imposer des avoirs à leurs clients en remboursement de leurs billets annulés. Or, le règlement (CE) n° 261/2004 sur les droits des passagers aériens prévoit que le voyageur doit toujours avoir la possibilité d’obtenir un remboursement en euros sous sept jours et que les avoirs ne peuvent lui être imposés. Malgré la publication de lignes directrices par la Commission européenne visant à garantir que les droits des passagers de l’UE soient appliqués de manière cohérente dès le 18 mars 2020, cette situation a perduré quelques mois avant que les compagnies n’imposent plus systématiquement la forme d’avoirs à leurs passagers. Il reste cependant encore des voyageurs qui contactent la Fnaut car ils ne parviennent pas à obtenir le remboursement auquel ils ont droit.

D’autre part, la situation des clients ayant acheté des voyages à forfait (combinaison d’au moins deux prestations touristiques dans un même achat) a été mise à mal par l’ordonnance n° 2020-315 du 25 mars 2020. En effet, alors que la directive (UE) 2015/2302 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 relative aux voyages à forfait prévoit la possibilité d’annulation sans frais pour le consommateur en cas d’événement majeur sur le lieu du séjour ou affectant le transport, l’ordonnance précitée a prévu la possibilité pour les agences de voyages de proposer le remboursement sous la forme d’avoirs remboursables au bout de 18 mois, pour les voyages annulés entre le 1er mars et le 15 septembre 2020.

Les clients se sont donc vu confisquer la possibilité de remboursement en euros de leurs séjours, et doivent attendre 18 mois le remboursement de leurs avoirs.

Le transport ferroviaire a également été impacté par les annulations de trajets par les transporteurs. Alors que SNCF Voyageurs a proposé lors des confinements le remboursement de tous ses billets avec des conditions assouplies, Eurostar et, dans une moindre mesure, Thalys, ont imposé le remboursement par avoirs lors du 1er confinement, contrairement au règlement (CE) n° 1371/2007 sur les droits et obligations des voyageurs ferroviaires. Le remboursement en euros par virement aurait dû être systématiquement proposé, avec la possibilité de remboursement par avoirs pour les voyageurs qui le souhaitent.

2. Actions de la Fnaut

Face à ces différents manquements aux droits des voyageurs, la Fnaut a entrepris plusieurs actions, à la fois à destination des voyageurs mais aussi des décideurs.

Tout d’abord, elle a élaboré des fiches juridiques détaillant les droits des voyageurs et les a publiées sur son site internet. De plus, le service juridique répond activement aux mails des consommateurs exposant des litiges avec les transporteurs et les conseille sur les démarches à entreprendre pour faire valoir leurs droits. La Fnaut participe également à des sujets Consomag sur les droits des voyageurs en cas de crise sanitaire et a consacré un dossier sur ce sujet dans Fnaut-Infos n° 286. Le 8 avril 2020, la Fnaut a publié sur son site internet un communiqué de presse intitulé « le respect des droits des voyageurs ne doit pas être une option ».Le 13 juillet 2020, elle a adressé deux lettres ouvertes, l’une à Monsieur Bruno Le Maire, Ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance et l’autre à Monsieur Franck Riester, Ministre délégué auprès du Ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, chargé du Commerce extérieur et de l’Attractivité, pour demander le retrait de l’ordonnance permettant le remboursement sous forme d’avoir des voyages à forfait annulés, alors que la directive européenne impose un remboursement en euros. Ces courriers sont restés sans réponse.

D’autre part, la Fnaut a formulé certaines recommandations. Elle souhaite qu’aucune aide publique ne soit versée à des compagnies aériennes qui n’offrent pas de possibilité de remboursement en euros dans un délai rapide après une annulation de vol et qu’un système de garantie des passagers en cas de faillite d’une compagnie aérienne soit mis en place.

La règlementation protégeant les droits des passagers doit être respectée par les opérateurs : les autorités de contrôle doivent pour cela voir leurs pouvoirs renforcés. De la même manière, les États membres doivent respecter les droits des consommateurs imposés par le droit européen, sans distorsion.

2ème cas : les remboursements des prestations de transport qui ne peuvent plus être utilisées par le voyageur du fait des interdictions ou restrictions de déplacements édictées par les Pouvoirs publics

1. Contexte juridique

En l’espèce, le vol concerné a bien décollé, le train est bien parti, les transports urbains ont fonctionné, mais l’utilisateur n’a pas pu en bénéficier du fait des nouvelles règles temporaires de déplacement. Cette situation a également concerné les voyages payés d’avance : les billets d’avion et les abonnements de transport (transports urbains, et abonnements de transport ferroviaire). Ainsi dans cette hypothèse, le voyageur ne peut pas, juridiquement, se tourner contre le transporteur car il n’est pas à l’origine de l’impossibilité de circuler.

2. Actions de la Fnaut

Le règlement n° 261/2004 sur les droits des passagers aériens devrait être révisé et prendre en compte la nécessité de protéger le voyageur lorsqu’il ne peut pas utiliser un billet d’avion en raison de circonstances exceptionnelles en lui créant un droit à remboursement.

Certains transporteurs comme SNCF et Air France se sont illustrés par leurs bonnes pratiques courant 2021.Cette approche commerciale permet certes de garder la confiance des voyageurs mais elle apporte peu de sécurité juridique aux consommateurs sur le long terme.

Le droit n’étant pas en faveur du consommateur dans ce contexte, il nous est apparu nécessaire de demander aux transporteurs et aux autorités organisatrices de faire preuve de souplesse quant aux demandes qui seraient formulées par des voyageurs titulaires d’un abonnement qui ne peut être suspendu, ou à des conditions inadaptées (ex : abonnement TGV qui doit être suspendu avant le 9 du mois précédent pour que la suspension soit prise en compte), alors que cet abonnement ne peut être utilisé pour des raisons extérieures aux voyageurs (ex : télétravail imposé). En ce sens, la Fnaut a adressé une lettre ouverte à Monsieur Louis Nègre, Président du GART et à Monsieur Thierry Mallet, Président de l’UTP, avec copie aux Présidentes et Présidents d’Ile-de-France Mobilités, de la RATP, de Régions de France et de SNCF Voyageurs. Elle y dénonce les difficultés de suspension des abonnements de transports urbains et régionaux, notamment l’abonnement Imagine R.

De manière globale, la Fnaut encourage les systèmes de médiation de la consommation pour favoriser l’équité en faveur des consommateurs et non des professionnels. En l’occurrence, elle a pu regretter que le Médiateur Tourisme et Voyage encourage les compagnies aériennes à imposer des avoirs aux consommateurs. Pour la Fnaut, l’équité est un argument qui ne peut être utilisé pour diminuer les droits des consommateurs face aux pratiques des professionnels. Elle ne doit pas conduire à justifier des atteintes à leurs droits.

Enfin, la Fnaut se prononce en faveur de dispositions législatives qui imposeraient la mise en place de procédures simples de suspension des abonnements en cas de crise. À ce titre, elle a élaboré des propositions d’amendements au projet de loi Climat permettant de développer et de faciliter l’usage du transport public, afin de contribuer à l’accélération du report modal. La proposition relative à la possibilité de suspension aisée et à distance n’a pas été retenue.

LES CONSÉQUENCES DE LA CRISE SANITAIRE SUR LES HABITUDES DE DÉPLACEMENT (QUESTIONNAIRE DE LA Fnaut)

La Fnaut a observé l’évolution des pratiques de déplacements (personnels et professionnels) et les changements de comportement de 983 voyageurs sur la base d’un questionnaire publié sur le site internet de la Fnaut et relayé aux associations et médias. Malgré le nombre restreint de personnes interrogées, certaines constantes ont pu être dégagées.

Tout d’abord, le quotidien des habitudes de transport de 40 % des répondants n’a pas été foncièrement bouleversé. Néanmoins, une majorité a mis en lumière certaines évolutions dans leur manière de se déplacer. Si les modes de transports individuels comme la voiture ont connu un certain essor depuis la pandémie, les transports en commun semblent avoir été partiellement délaissés.

Les facteurs qui ont impacté ces évolutions ont pu être classés selon la force de l’impact accordée par les répondants (cf. fig. 1). Majoritairement, le changement des habitudes de transport de certains répondants est dû à la fiabilité insuffisante et à l’inadaptation partielle des transports collectifs à l’organisation actuelle de leur vie quotidienne. La crainte globale liée au Covid-19 et la gêne du port du masque obligatoire dans les transports reste un facteur à l’impact élevé sur les habitudes de déplacements des répondants. En revanche, la baisse du niveau de vie et le changement des habitudes de vie hors organisation du travail n’apparaissent pas comme des facteurs décisifs dans les changements de déplacement.

Les répondants se sont ensuite exprimés sur les pistes d’amélioration à prioriser (cf. fig.2).

Les personnes interrogées ont jugé essentielles l’amélioration de la fiabilité (moins d’incidents) et de l’information en cas de situation perturbée. Viennent ensuite l’augmentation des fréquences et de l’amplitude horaire des dessertes, ainsi que l’amélioration de l’intermodalité de la billettique et du transport des vélos et trottinettes. La création de nouvelles lignes et de nouveaux arrêts arrive en bonne place avec l’amélioration du confort et de l’espace disponible pour chaque voyageur et la possibilité de suspendre facilement les abonnements.

L’adaptation au télétravail ne répond pas encore à un besoin important, ce qui correspond à la situation actuelle fluctuante. Enfin, les répondants ont majoritairement déclaré comme mesure inutile la baisse globale des prix, cette réponse est importante pour la Fnaut puisqu’elle ne va pas dans le sens de la gratuité. L’absence de demande de renforcement des mesures sanitaires et de leur contrôle est un constat encourageant pour les transports publics qui ne sont pas jugés dangereux du point de vue sanitaire.

L’amélioration des transports publics pour les usagers du quotidien passe donc principalement par deux objectifs : l’amélioration de la qualité de service grâce aux opérateurs de transport et le développement de l’intermodalité par la coordination des acteurs du domaine des transports. Il est essentiel que les autorités organisatrices de mobilité, les opérateurs de transport et les employeurs s’adaptent et collaborent pour répondre aux besoins des usagers d’aujourd’hui tout en anticipant les enjeux de demain.

Cliquez ici pour télécharger l’étude intégrale (pdf)

Cliquez ici pour télécharger le résumé de l’étude (pdf)