Dans son référé du 29 août, la Cour des comptes critique le poids financier des projets de canal Seine-Nord et de tunnel ferroviaire Lyon-Turin. Mais elle oublie de s’interroger sur la faiblesse des crédits destinés aux grandes infrastructures de mobilité écologique.
Elle met sur le même plan deux projets fondamentalement différents et reste silencieuse sur le coût des investissements autoroutiers.
Les infrastructures de transport : une variable d’ajustement ?
La Cour des comptes veut ajuster les projets aux moyens budgétaires actuellement disponibles suite à l’abandon de l’écotaxe : il faut au contraire dégager des moyens nouveaux pour satisfaire les besoins actuels et futurs, et combler les retards pris par la France dans le secteur de la mobilité écologique. La Suisse a montré l’exemple pour financer ses nouveaux tunnels ferroviaires (Lötschberg, Gothard).
La Fnaut refuse l’attitude malthusienne de la Cour des comptes : il est possible et nécessaire, en effet, de financer les infrastructures de transport porteuses d’avenir par le produit d’une véritable fiscalité écologique, consistant à appliquer le principe pollueur-payeur aux transports routiers et aériens.
Deux projets très différents
La Cour des comptes dénonce le coût excessif du canal Seine-Nord et du tunnel ferroviaire Lyon Turin. Or mettre ces deux projets « dans le même sac », même en supposant qu’une politique de report modal soit mise en œuvre, est une grave erreur.
Le tunnel concerne un vaste territoire européen et des flux de fret (nord-sud et est-ouest), très importants, ainsi qu’un trafic voyageurs interrégional et international assuré essentiellement par l’avion et la route. Le canal n’est au contraire qu’une infrastructure sans prolongement vers le sud.
Le tunnel ferroviaire pourrait capter la moitié du fret routier transalpin (2 600 000 poids lourds par an) ainsi qu’une part notable du trafic aérien entre la France et l’Italie du nord (3 millions de voyageurs/an). D’après le rapport Massoni-Lidsky (2013), 60% du trafic du canal proviendraient de la route (soit seulement 3% du fret routier existant), et 40% du rail (soit 15% du fret ferroviaire existant) – un report sans intérêt puisque le rail est tout aussi écologique que la voie d’eau.
Le Lyon-Turin offrirait enfin au port de Marseille un débouché vers l’Italie du Nord. Le canal concurrencerait au contraire les ports normands en renforçant l’attractivité d’Anvers et de Rotterdam.
La Fnaut estime donc que les crédits routiers doivent être réduits, le canal Seine-Nord abandonné car son utilité n’a pas été démontrée, et les moyens financiers concentrés sur le projet Lyon-Turin, l’amélioration de la desserte ferroviaire du port du Havre et les autoroutes ferroviaires.