Le contexte
Jusqu’à la crise sanitaire, le secteur aérien se développait de façon régulière et sur un rythme important en France : +6% en 2017 et +5,1% en 2018 et prévoyait de doubler tous les 20 ans.
Le secteur aérien est responsable de 5 à 8% des émissions mondiales de CO2. Le plus consommateur d’énergie fossile, il représente selon T&E, 3,4% des émissions de gaz à effet de serre de l’Union Européenne (1,5% en 1990). Les émissions résultant des vols intra-Union Européenne ont cru de 8% en 2016.
Le trafic aérien intérieur (26,2 millions de passagers en 2018) bénéficie d’aides publiques nationales et locales, chiffrées dans le rapport « Fnaut/Pavaux » à environ 500 M€ par an, résultant soit de la défiscalisation du kérosène (ce qui réduit le prix moyen du billet d’avion de 11,50 €), soit de subventions diverses aux aéroports et aux compagnies aériennes.
Ce modèle économique, rend sur les liaisons courtes la concurrence inéquitable avec d’autres modes, en particulier le mode ferroviaire, que l’on prenne en compte le cout économique direct ou le coût environnemental.
Si l’avion est incontournable, le train est une solution réelle
Si l’avion reste incontournable sur les liaisons long-courrier, ce trafic aérien doit être limité ou réduit autant que possible. Les liaisons court-courrier voire certaines liaisons moyen-courrier et celles assurant une correspondance avec un long courrier doivent pouvoir être assurées également par des liaisons ferroviaires chaque fois que c’est possible.
Le rôle de l’avion dans l’aménagement du territoire est justifié s’il dynamise le tissu économique et s’il assure le désenclavement de territoires qui ne peuvent l’être par le rail. C’est évidemment le cas de la Corse, des DOM et de certaines liaisons sous délégation de service public.
Certaines fonctions sont essentielles pour le pays et justifient de relations particulières entre l’État français et une ou plusieurs compagnies : rapatriement de citoyens français, transports sanitaires, contribution à certains transports liés aux opérations militaires, voire avec l’existence nécessaire d’un pavillon national.
Le train est une alternative réelle à l’avion court ou moyen-courrier
– Le TGV émet 30 fois moins d’équivalent CO2 qu’un avion court-courrier.
Si le report de l’avion sur le TGV est supérieur à environ 700 000 voyageurs par an, l’effet climatique de la construction d’une LGV est amorti en moins de 10 ans par l’effet des reports modaux.
– Le TGV est le principal concurrent de l’avion sur les liaisons intérieures et intra-européennes. « Le TGV, c’est le 3ème aéroport parisien » (rapport de Gérard Mathieu et Jacques Pavaux, 2003) Le réseau de LGV doit être achevé.
– Le train intercité de jour et de nuit est très complémentaire car il assure la desserte des villes intermédiaires. Il faut donc rétablir les liaisons transversales en réalisant les investissements nécessaires et urgents.
La crise sanitaire qui cloue au sol les avions, met en péril la filière aéronautique mais aussi les engagements de la France, pris lors de la COP21 et ses objectifs 2050 pour une économie décarbonée. Se pose la question de la place de l’avion dans les mobilités de demain, celle de son modèle économique et des conditions de son financement à court et long terme.
Dans la situation actuelle, il y a une urgence du court terme : sauver le transport aérien qui représente 200 000 emplois, et une exigence de moyen terme : améliorer considérablement l’impact environnemental.
Vers un nouveau modèle aérien
Pour réduire l’impact environnemental du transport aérien, sa place doit être réduite et sa croissance limitée : certes les progrès de la technologie peuvent y contribuer en jouant sur les consommations d’énergies, sur les mesures antibruit. Mais il s’agit de changer de paradigme et d’abord d’orienter différemment les comportements par des mesures structurelles. Le signal prix est une façon éprouvée pour les faire évoluer.
Dans cette optique, l’avion doit payer tous ses coûts économiques et environnementaux permettant une meilleure équité entre les modes. La dimension européenne est la bonne échelle mais celle de la France permet d’initier le mouvement.
L’Allemagne a récemment accentué ses taxes sur les billets d’avion : pour les vols court-courriers, elles passeront de 7,5 à 13 €, elles ne sont que de 1,5 € en France (en classe Économique sur les vols domestiques et intra-européens). La mesure prise en France rapportera 180 M€. La mesure prise en Allemagne rapportera 740 M€. Sur les vols hors UE, la taxe sur le billet est de 3 en France, en Allemagne c’est 33 (moyen-courriers) et 59 (long-courriers), en Grande-Bretagne 14 (court-courriers) et 86 (long-courriers)
Limiter les investissements capacitaires dans les infrastructures, en ne construisant plus de nouveaux aéroports ou de nouvelles extensions (T4, Nice, Marseille) et en orientant ceux-ci vers les adaptations, protections contre le bruit, et modernisations indispensables, est désormais nécessaire.
La réduction du nombre d’aéroports, sans cesse reportée, qui concerne en particulier les 70 aéroports structurellement déficitaires (et n’assurant que 4,5% du trafic intérieur), doit être conduite à son terme, en même temps la desserte des aéroports par transport public doit être améliorée pour les travailleurs de l’aéroport comme pour les passagers. Face à des projets d’extension, les alternatives ferroviaires doivent être systématiquement étudiées.
Parallèlement, le report modal sur le train doit être encouragé sur les liaisons intra-européennes de même que les pré et post acheminements, il doit aller au-delà de la limite de 2h30 retenue par le gouvernement.
Le nouveau modèle économique du transport aérien doit s’inscrire dans la perspective du changement climatique et être soumis aux conditions qui le permettent.
Les dotations de recapitalisation, sous forme de prêt à long terme doivent encadrer et faciliter la stabilisation puis la décroissance de l’aérien. Les aides fiscales doivent être compatibles avec la réduction des consommations d’énergie fossile et avec les objectifs de réduction des GES.
Enfin, ces aides doivent s’inscrire dans un plan de financement des mobilités qui privilégie le ferroviaire comme épine dorsale des mobilités en France et en Europe sur lequel viennent se greffer les autres mobilités.
On rappellera qu’un billet d’avion de 110€ est subventionné à hauteur de 11,5 € (rapport J. Pavaux) et que les politiques de mobilité conduites depuis 2008 ont encouragé l’usager à recourir à l’avion sur les courtes et moyennes distances européennes (Étude Fnaut/J.M. Beauvais) plutôt que de prendre le train. Il faut donc les faire évoluer progressivement en France et en Europe.
Droit des passagers
La Fnaut considère que les droits des passagers aériens doivent être mieux respectés et renforcés.
Le règlement sur les droits des passagers aériens prévoit que le billet annulé doit faire l’objet d’un remboursement en euros, et que l’avoir ne peut résulter que d’un accord express du voyageur.
En cas de faillite de la compagnie aérienne, le voyageur ne dispose d’aucun système de garantie financière. La Fnaut demande, depuis plusieurs années, qu’un dispositif collectif de garantie financière des compagnies aériennes soit mis en place.
L’information du consommateur sur les prix, les services optionnels, les taxes et les conditions de vol doit être améliorée.
L’indemnisation des passagers en cas de litige lié aux bagages (perte, retard, détérioration) doit être améliorée et prévue par un règlement européen.
Enfin, les dédommagements en cas de retard qui sont dus à partir de 3 heures de retard, devraient être intégrés dans les dispositions du règlement européen n° 261/2004 sur les droits des passagers aériens.