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Article sur l'étude SERM "RER métropolitains : le financement dans une voie de garage ?"

22 Août 2024

Si une vingtaine de projets de Services Express Régionaux Métropolitains a été labellisée, les lauréats attendent toujours d’être rassurés sur la question clefs des budgets associés. Un grain de sable dans une mécanique qui semblait bien huilée.

En cette période de restriction budgétaire, l’épineuse question des financements deviendra-t-elle la pierre d’achoppement des projets de Services Express Régionaux Métropolitains (SERM) ? Après le vote de la loi du 28 décembre 2023 visant à mettre en place ces grands réseaux de transports en commun et la labellisation de 24 dossiers entre les mois de juin et juillet derniers, la démarche annoncée par le président de la République en novembre 2022, semblait pourtant largement mise sur les rails. Le bouclage final des premiers projets était même espéré pour la fin de cette année . Restait seulement à régler un dernier « détail » : celui des budgets, censés être définis lors d’une conférence de financement qui se fait toujours attendre.

Des garanties attendues

Inscrite dans la loi Serm , cette réunion devait se tenir avant la fin du mois de juin dernier. Décalée à l’été, elle aura finalement, elle aussi, fait les frais de la dissolution de l’Assemblée nationale et de l’absence de gouvernement. Un manque de visibilité dénoncé dans un communiqué le 28 juin dernier par les régions et les autres collectivités territoriales autorités organisatrices de transports (AOM), qui rappellent attendre des garanties de la part de l’État ainsi que des modalités spécifiques de tarification des péages ferroviaires « pour un financement durable et stable . »

Si près de 1,8 milliard d’euros (Mds€) d’autorisations d’engagement a été identifié dans les contrats de plan État-Régions 2023-2027 pour contribuer au développement de ces projets, à parité entre l’État et les Régions, ces montants ne couvrent qu’une partie des crédits d’étude et restent « très insuffisants en regard de la réalité des coûts de ces projets », explique l’association Régions de France. Sans financement supplémentaire, ni réforme de la tarification des péages ferroviaires, ses membres qui voient par ailleurs leur marge de manœuvre budgétaire se réduire dans un contexte économique difficile, craignent de ne pas pouvoir assumer l’enjeu d’un « New deal ferroviaire », pas plus que le développement des lignes de cars-express envisagées en complément. « Dans ces conditions, l’avenir de ces projets devrait être questionné », préviennent-ils.

Des besoins importants

Or les sommes en jeu s’avèrent particulièrement élevées bien qu’encore mal évaluées. En 2022, le PDG de la SNCF Jean-Pierre Farandou, les avait estimées à 13 Mds€ pour le volet investissements quand le Conseil d’Orientation des infrastructures (COI) misait plutôt sur 15 à 20 milliards d’euros. Pour l’association Objectifs RER Métropolitains qui rassemble les acteurs engagés sur cette thématique (collectivités, entreprises, industriels, experts et citoyens), la facture serait plutôt de 40 Mds€ d’ici 2035. « Le montant des investissements nécessaires peut notamment significativement évoluer en fonction du nombre de nouvelles gares et de la construction ou non de nouvelles lignes », indique sur son site Internet le cabinet de conseil aux collectivités Trans-Missions qui cite en exemple une fourchette de 1,5 à 15 Mds€ pour le Serm lyonnais.

En prenant en compte un nombre plus important de projets et en « voyant les choses en grand » en matière d’infrastructure dans certaines aires métropolitaines, l’enveloppe requise pourrait grimper jusqu’à 45 Mds€ selon le cabinet. Les besoins en termes de fonctionnement oscilleraient quant à eux entre 350 millions d’euros (M€) à court terme et un milliard à 1,5 Mds€, à plus long terme, selon le niveau d’intermodalité visé.

Les usagers attentifs

Dans un communiqué du vendredi 2 août, la Fédération nationale des associations d’usagers des transports (Fnaut) attire l’attention sur quelques points de vigilance :

la participation des associations d’usagers dès le démarrage des études des projets, une définition des critères d’attribution du statut Serm par une instance indépendante, des formes de gouvernance alliant simplicité et efficacité, un engagement de la Société du Grand Paris limité aux réponses apportées aux demandes des collectivités, l’assurance que la création de sociétés de projet locales dotées de la possibilité de prélever des taxes ne constitue la seule variable d’ajustement en cas d’aléa financier.

Des sources disponibles

Des conditions loin d’être insurmontables pour Objectif RER métropolitains. Afin de lancer les travaux, l’association suggère de s’appuyer sur la mise en place d’une « taxe bureau » : un modèle adopté pour le développement du Grand Paris, destiné au remboursement des emprunt à long terme, relativement indolore pour les entreprises et qui rapporte désormais plus de 899 M€ par an. Hors de la région parisienne, les montants fixés en fonction des activités seraient sans doute moindres mais un mécanisme de péréquation avec l’aire francilienne pourrait être mis en œuvre, en fléchant vers la province une partie des taxes prélevées sur les sièges sociaux installés à Paris et dans les Hauts-de-Seine.

« Ce que nous avons trouvé comme solution en Ile-de-France, nul ne comprendrait que l’on ne soit pas capable de le trouver en région avec les adaptations nécessaires , souligne Jean-Claude Degand, porte-parole de l’association Objectif RER métropolitains. C’est une question d’équité . »

Jacques Baudrier, adjoint à la mairie de Paris en charge du logement et de la transition écologique du bâti, préconise aussi d’utiliser la taxe sur les aéroports qui rapporte plusieurs milliards par an et d’instaurer une redevance sur les jets privés , susceptible de financer des investissements à hauteur de 500 M€ par an. Pour Arnaud Léger, directeur associé de Trans-Missions, les sommes engendrées par la fin des concessions autoroutières représenteraient par ailleurs une manne complémentaire.

Des mesures simples

Les budgets nécessaires à l’exploitation des Serm pourraient en revanche découler d’une augmentation du plafond du versement mobilité des employeurs – avec des bases fiscales différentes selon les zones, précise Jacques Baudrier – et par un triplement de la taxe de séjour évaluée à quelques dizaines de millions d’euros.

« Ces projets de Serm seront source de croissance et d’attractivité En Ile-de-France, on parle d’un point de croissance par an. Ils offriront aussi plus de pouvoir d’achat aux ménages dépendants de l’automobile dont le coût ne cesse d’augmenter », estime Jean-Claude Degand. Celui-ci insiste également sur la nécessité d’inscrire les projets de Serm dans une loi de programmation budgétaire pluriannuelle, « traduisant l’ambition annoncée en 2023 de 100 milliards d’investissements dans le ferroviaire . »

En attendant, un saut d’offre pourrait être initié dans les semaines à venir, afin de commencer à faire prendre corps aux 24 projets sélectionnés.

Une démarche que la Fédération nationale des associations d’usagers des transports (Fnaut) qualifie de pragmatique, permettant une amélioration pour l’usager dès les premières dépenses engagées .

Dans une lettre ouverte datée du 26 juillet, Objectif RER métropolitains appelle ainsi les AOM à mettre en place, d’ici la fin de l’année 2025, des dessertes ferroviaires périurbaines continues dans la journée, en soirée et les week-ends, partout où elles existent déjà en heures de pointe. De quoi doubler l’offre de train sans nécessiter de travaux d’infrastructure ou d’acquisition de matériel. Relativement marginal, le coût annuel de 300 M€ pourrait provisoirement être pris en charge par l’État. « Il s’agit d’une mesure simple en guise de première étape. Les sillons existent. Le matériel est là. Il suffirait de trouver des conducteurs supplémentaires », observe Jean-Claude Degand.

Des consultations indispensables

Enfin, pour établir des consensus solides sur leur trajectoire dans la durée, ces projets devraient également faire l’objet de débats publics associant, outre les citoyens, l’État, les AOM, les opérateurs et les partenaires économiques et associatifs. Pour Objectif RER métropolitains, ces échanges devraient se dérouler dans les 18 prochains mois sous l’autorité de la Commission Nationale du Débat Public et constituer une dimension de la labellisation à venir. De l’avis de tous, le dossier, l’un des tout premiers que le futur ministre des Transports trouvera sur son bureau lors de sa prise de poste, ne pourra pas attendre, en raison notamment de l’engouement qu’il suscite.

Votée à la quasi-unanimité des parlementaires, la loi Serm prévoyait le déploiement d’une dizaine seulement de ces réseaux, le nombre des projets en gestation dépasserait la trentaine. « Quelque chose s’est mis en mouvement », constate Jean-Claude Degand. Pour celui-ci, la mobilité contrariée dans nos grandes périphéries ne peut donc pas rester plus longtemps ignorée. « On peut en voir la marque dans le résultat des derniers scrutins électoraux », souligne-t-il. « Les collectivités sont demandeuses. Elles ont travaillé ensemble et exprimé une volonté commune, ça n’est pas rien. L’État a eu la sagesse de ne pas les décourager. Il s’agit maintenant de passer à l’acte . »

Article de Actu-environnement.com par N. Gorbatko

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