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Parts modales et partage de l'espace dans les grandes villes françaises

02 Juil 2021

Bruno Cordier, du cabinet ADETEC, présente aujourd’hui son étude sur les parts modales et les grandes villes françaises. Une expertise qui confirme les thèses de la Fnaut.

 

1 – Les parts modales des différents modes de déplacements

La marche

1 – La ville de Paris est un cas singulier, caractérisé par un très faible usage de la voiture (une part modale de seulement 13 %) et une part modale très forte de la marche (52 %) malgré la densité de la desserte collective (métro, tramway, RER et bus) : c’est la preuve que marche et transport collectif ne sont pas concurrents mais complémentaires sur les courtes distances et que la marche peut se développer dans les autres villes, où les distances à parcourir sont en moyenne plus courtes, en particulier les villes moyennes et petites.

Beaucoup reste à faire pour favoriser la marche, gratuite, non polluante et bonne pour la santé (un piéton n’est pas seulement un automobiliste ayant réussi à trouver une place de parking). Parmi les propositions de la Fnaut :

– assurer la sécurité des piétons, en particulier sur les passages piétons ; la meilleure méthode consiste sans doute à généraliser le 30 km/h (sauf sur les axes de transit) afin d’apaiser la ville (une ville n’est pas un autodrome) ; l’exemple de l’agglomération grenobloise montre que cette réglementation est bien acceptée par les automobilistes ; elle apaise la ville, piétons et cyclistes sont ses premiers bénéficiaires (Fnaut Infos 215) ;

– libérer les trottoirs de tout ce qui les encombre et les élargir ;

– établir un réseau d’itinéraires réservés aux piétons, correctement éclairés, desservant les écoles, les services publics, les zones commerçantes, les squares et les espaces verts.

Les transports en site propre

Dans les villes petites et moyennes, l’autobus est seul justifié : un métro ou un tramway seraient surdimensionnés.

Mais dans les grandes agglomérations (en particulier les premières : Paris, Lyon, Grenoble, Rennes, Strasbourg), où les flux sont importants, le tramway et le métro, que la Fnaut défend depuis longtemps, sont justifiés par leur vitesse et leur capacité (la Fnaut défend le métro si l’espace libéré en surface est consacré aux piétons, aux cyclistes et plus généralement à la vie urbaine). L’expertise confirme ce point de vue : les villes-centres les mieux classées pour l’usage des transports collectifs possèdent toutes un réseau de métro ou de tramway

A contrario, Toulon obtient un mauvais score. Sa ville-centre et son agglomération sont pourtant favorisées par leur structure linéaire. Mais le maire Hubert Falco s’entête et cherche toujours à imposer un BHNS alors que le tramway est mieux adapté à la ville par sa capacité, et ouvre des perspectives autrement plus ambitieuses de report modal : quand on remplace une ligne de bus ordinaire par un BHNS, le trafic augmente en moyenne de 30 à 40 % ; quand on le remplace par un tramway, le trafic augmente de 130 % d’après une étude de Jean-Marie Beauvais (Fnaut Infos 277).

Plus généralement, dans les villes non équipées de tramway, l’absence de tramway explique la faible part modale du transport collectif (5 % à Toulon et Saint-Nazaire, 4 % à Pau, 3,5 % à Béthune), mais pas ou peu celles de la marche et du vélo qui relèvent d’autres décisions.

La gratuité des transports urbains

C’est pour la Fnaut une fausse bonne idée. Toutefois l’expertise de Bruno Cordier n’apporte aucune confirmation ou infirmation des thèses de la Fnaut puisque les enquêtes déplacements sur lesquelles elle s’appuie (Dunkerque, Niort, Douai), ont été réalisées avant instauration de la gratuité.

Quelques remarques de la Fnaut sur la gratuité, qui montrent que la gratuité n’est pas la solution- miracle :

– à Dunkerque la qualité de service a été améliorée sensiblement (vitesse et régularité des bus) lors de l’instauration de la gratuité, si bien que la seule évolution de la fréquentation du réseau urbain n’est pas significative de l’impact de la gratuité ;

– à Châteauroux (comme à Aubagne et Dunkerque), 50 à 60 % des usagers nouveaux se seraient déplacés en voiture sans la gratuité, mais ces usagers sont au total peu nombreux et la part modale de la voiture n’a diminué que de 1 % : moins de 2 % des automobilistes sont attirés par la gratuité ;

– inversement, des tarifs plus élevés que la moyenne française (Lyon) sont bien acceptés par le public dès lors que la qualité de service est au rendez-vous. Ainsi l’agglomération de Lyon détient un triple record : les meilleurs transports publics de France hors Ile-de-France, les tarifs les plus élevés, et la fréquentation la plus élevée de France hors Ile de France (350 voyages par an et habitant). Le maintien de tarifs élevés permet à la collectivité locale de poursuivre les investissements.

Les banlieues et les zones périurbaines

Le consultant a constaté que les banlieusards ont des pratiques modales plus proches de celles des périurbains que de celles des habitants des villes-centres (la ville-centre est la ville principale de l’agglomération) (la part modale moyenne de la voiture dans les villes-centres est de 49 %, dans les banlieues de 70 % et  dans les milieux périurbains de 75 %).

Compte tenu du nombre de travailleurs précaires habitant des banlieues et des zones périurbaines (ils sont nombreux aussi à habiter les villes-centres du fait d’un nombre élevé de logements sociaux), c’est en priorité l’amplitude horaire du transport collectif et sa couverture du territoire qui doivent être élargies.

Une telle desserte n’entraînerait pas des dépenses inconsidérées. Le réseau d’autobus du Vorarlberg (Land ouest de l’Autriche, 20 lignes) constitue un bon exemple d’exploitation intelligente et d’un coût acceptable : bien que desservant une zone rurale de densité comparable à celle du Jura ou des Préalpes françaises, la fréquence est de 8 à 12 allers-retours quotidiens de 7h à 20h et le service se prolonge jusqu’à minuit ; la tarification, modérée et attractive, intègre les réseaux urbain et le réseau ferroviaire.

La fréquentation de ce réseau (150 voyages par an et par habitant) est supérieure à celle qui est observée dans les villes moyennes françaises bien que la population, assez riche, soit fortement motorisée (Fnaut Infos 270).

Une autre approche consiste à densifier le tissu périurbain pour faciliter sa desserte par transport collectif en améliorant les rabattements ; les activités et l’habitat pourraient aussi se concentrer autour des gares périurbaines et terminus de lignes de tramways et de bus de manière à réduire la longueur des déplacements obligés (Fnaut Infos 183).

 

2 – Partage de la voirie

Peu de villes disposent de données surfaciques complètes et exploitables et ont pu les fournir au consultant : c’est le cas seulement de 2 métropoles (Lyon et Lille) et de 3 villes (Paris, Saint-Nazaire et Avignon pour son coeur historique intra-remparts).

La part d’espace public affectée à la mobilité dans son ensemble varie entre 13 m² par habitant à Paris et 59 m² par habitant à Saint-Nazaire, ville reconstruite après 1945.

Dans toutes les villes, la voiture occupe la plus forte proportion de cet espace (50 % à Lyon, 51 % à Paris, 69 % à Lille) devant la marche, y compris à Paris.

Paradoxalement, c’est là où l’espace est le plus rare (Paris, Lyon, Villeurbanne, Avignon intra-remparts) qu’il est le mieux partagé en faveur des alternatives à la voiture.

 

3 – Relation entre parts modales et partage de la voirie

Le consultant a pu dégager les conclusions suivantes :

– en termes de parts modales, de gros écarts existent entre les villes les plus vertueuses (Paris, Lyon, Grenoble, Rennes, Strasbourg…) et les moins vertueuses ; les écarts se font surtout sur la marche à pied, puis sur les transports collectifs et à un moindre titre sur le vélo ;

– les métropoles sont plus vertueuses que les villes moins grandes, parce que l’usage de la voiture y est moins facile et qu’elles ont mis en œuvre des politiques de mobilité plus ambitieuses et depuis plus longtemps ;

– dans les villes et métropoles disposant de données sur le partage de l’espace, plus l’espace affecté à la marche et à la voiture est important, plus les habitants se déplacent à pied et en voiture ; plus l’espace affecté aux bus et tramways est important, plus les habitants se déplacent en transport collectif ; l’expertise justifie donc l’importance que la Fnaut attache au partage de la voirie ;

– il y a en revanche assez peu de corrélation entre l’espace affecté au vélo et sa part modale ; en effet, des communes affectant beaucoup d’espace au vélo en accordent aussi beaucoup à la voiture ; leurs aménagements cyclables sont souvent davantage destinés aux loisirs qu’à la mobilité quotidienne ; leurs habitants effectuent souvent des déplacements longs, donc difficiles à faire à vélo ; autre explication possible : ce qui compte n’est pas la superficie des aménagements cyclables, mais leur qualité et leur continuité, qui laissent souvent à désirer ;

– il y a plus d’écarts entre les villes-centres qu’entre les banlieues et les couronnes périurbaines : les politiques de mobilité restent encore largement à développer en dehors des villes-centres en matière de partage de la voirie.

 

Diaporama  : Parts modales et partage de l’espace dans les grandes villes françaises

Point de vue de la Fnaut

Etude complète : Parts modales et partage de l’espace dans les grandes villes françaises

Rapport : Le palmarès des mobilités