
Leurs usagers ont rejoint la capitale ce mardi pour demander à l’État des modernisations. Le ministre des Transports leur a donné des gages.
Élus politiques de tout bord, chefs d’entreprise, responsables associatifs, clients anonymes de la SNCF… Plusieurs centaines d’usagers de deux lignes ferroviaires emblématiques, le tracé Paris-Orléans-Limoges-Toulouse (Polt) et le Paris- Nevers-Clermont-Ferrand (PNC), ont embarqué ce mardi matin dans deux « trains de la colère », depuis leurs gares respectives en région Nouvelle-Aquitaine ou Auvergne-Rhône-Alpes, pour arriver à Paris autour de midi. Ils sont venus participer à un vaste rassemblement à la gare d’Austerlitz pour sensibiliser l’État et la SNCF afin d’accélérer le rythme des investissements sur ces deux tracés, des lignes qui transportent respectivement 2,6 et 1,9 millions de voyageurs chaque année.
« Clermont-Ferrand et Limoges se trouvent dans une situation similaire, commente Émile Roger Lombertie, maire de Limoges. Malgré le plan de rénovation et de régénération de ces deux lignes lancées en 2018 par l’État et la SNCF, nous subissons des retards à répétition inadmissibles pour une desserte de qualité de nos deux villes et bassins d’emplois, où se trouvent deux fleurons du CAC 40, Michelin et Legrand. » Un sentiment partagé par son homologue d’Auvergne. « Le matériel roulant, notamment les locomotives, est à bout de souffle, les voies sont vétustes, les caténaires ont plus de 80 ans. Nous sommes inquiets du retard de livraison des nouvelles rames Oxygene par l’industriel CAF. Les premières rames devaient être livrées en 2025, puis en 2026. Maintenant, on parle de 2027 », poursuit Olivier Bianchi, maire de Clermont-Ferrand.
La SNCF se défend de toute inaction, en indiquant avoir planifié « des investissements sans précédent de près de 3 milliards d’euros d’ici 2027 ». « Une régénération partielle qui, pour nous, n’est pas suffisante », dénonce Jean-Noël Boisseleau. Le vice-président d’Urgence Ligne Polt estime qu’il faudrait « 2,5 à 3 milliards d’euros supplémentaires pour qu’on reparte, vraiment, pratiquement à neuf ».
Les usagers de ces deux lignes se sentent oubliés par les schémas de développement du rail tricolore, qui a fait la part belle à l’essor du TGV dès 1981, avec l’ouverture la ligne Paris-Lyon, mettant la capitale des Gaules à deux heures de Paris contre 5 heures par un trajet classique. « Depuis qu’il y a eu le premier TGV, en 1981, le réseau classique a été sous-entretenu. Sur la ligne Polt, il faut tout reprendre : changer les rails, les traverses, le ballast, les poteaux caténaires, les fils de contact, et mettre des locomotives en état de marche », résume Jean-Noël Boisseleau. « Nous sommes considérés comme des citoyens de seconde zone avec des temps de trajet de plus en plus lents et de moins en moins fiables », poursuit Serge Rigal, le président du département du Lot.
Résultat, ces trains classiques vont trois fois moins vite que les TGV.
La vitesse commerciale de ces deux lignes a nettement régressé, dans ces trains Intercités d’un autre âge, sur plus de 700 km de voie ferrée vieillissante pour le Paris-Toulouse et 420 km pour le Clermont-Paris
dénonce François Deletraz, président de la Fédération nationale des associations d’usagers des transports (Fnaut), par ailleurs chroniqueur culture au Figaro Magazine. Dans les années 1960-1970, le Capitole, reconnaissable à ses couleurs rouge et argent, était le train le plus rapide et le plus confortable de France, rappelle-t-il. Il reliait Limoges à Paris en moins de 3 heures contre 3 heures et demie pour les plus rapides d’aujourd’hui et 4 h 26 en moyenne, soit une vitesse de 94 kilomètres par heure seulement… Les trains qui relient Clermont-Ferrand à Paris, eux, mettent 3 h 13 pour les plus rapides et 3 h 54 en moyenne, soit un plus de 100 kilomètres par heure. » Le fruit de quarante ans d’inaction de la SNCF, comme le rappelaient les banderoles des manifestants ce mardi. « Les habitants de ces territoires subissent une double peine, ils se sont éloignés de Paris en termes de temps de parcours alors que ceux qui bénéficient de dessertes TGV se sont, eux, rapprochés de la capitale, constate Olivier Bianchi. En outre, ils doivent faire face à une insécurité d’horaires constante, liée au vieillissement du matériel roulant. »
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Article paru dans le Figaro, par Éric De La Chesnais