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Les outils pour réduire la place de la voiture en ville

15 Mai 2025

En France, comme ailleurs, la voiture individuelle a encore de beaux jours devant elle. Elle reste le principal mode de déplacement et de loin. Mais au cœur des villes, des alternatives se dessinent pour mieux partager l’espace public entre tous les modes de transport. Pour apaiser la commune et redonner leur place à la marche, aux vélos et aux bus, les collectivités ont un rôle majeur. Elles disposent d’une palette d’outils, de la limitation de vitesse à la piétonnisation des rues, en passant par la zone à trafic limité. Revue des petites (r)évolutions en cours.

Entretien avec Marie Prémartin

Ancienne directrice de programmes à l’Ademe, Marie Prémartin est vice-présidente de Rue de l’avenir. Créée en 1988, cette association a pour but de réduire la vitesse et la place de la voiture en ville.

Votre association Rue de l’avenir, avec le Réseau vélo et marche, a lancé en 2023 le manifeste « Ville apaisée, quartiers à vivre ». De quoi s’agit-il ?

Cette campagne est effectuée en partenariat avec la Fnaut, France Nature Environnement et la Fédération des usagers de la bicyclette. Notre association compte à ce jour 40 villes adhérentes, sans compter les associations et particuliers, et le manifeste est aujourd’hui signé par 64 collectivités. L’idée principale est de mieux partager l’espace public entre tous les modes de transport, et aussi de gagner de l’espace sur la voiture pour végétaliser la ville. La campagne propose dix mesures à adopter, dont la réduction du nombre de voitures, avec un argumentaire adéquat pour rendre la ville plus agréable à vivre.

Quels sont les meilleurs outils pour réduire la place de la voiture en ville ?

La mesure fondamentale est la ville à 30 km/h, car cela permet aux vélos et aux piétons de se sentir moins stressés par la vitesse des voitures. Mais un panneau ne suffit pas, il faut réduire les largeurs de chaussées et a oir une ré exion sur un plan e circulation pour éviter notamment le trafic de transit. Le stationnement est également un point important. Dans tous les cas, la concertation est le maître mot pour développer un cercle vertueux. Saint-Brieuc (Côtes-d’Armor) par exemple avait mis en place une commission avec des auto-écoles pour tester les nouveaux aménagements. Mais ce n’est pas facile, les résistances au changement sont fortes.

Quelles sont la suite de cette campagne aujourd’hui et votre actualité pour 2025 ?

Notre objectif est d’inciter les collectivités à s’emparer de ce sujet comme un enjeu majeur pour les élections municipales de 2026.

Pour les signataires du manifeste, il s’agit de mettre en avant leurs réalisations en matière de ville apaisée, et pour les autres, qu’ils s’engagent. Nous allons également refaire des visites apprenantes sur le terrain et des visioconférences, où les élus partagent leurs expériences. En mai, notre association se réunit à Avignon. Nous participons aussi à la rédaction d’un livre blanc sur la lutte contre les violences routières avec trois autres associations.

Certains aménagements rendent en effet la cohabitation entre les usages très problématique. C’est le cas en particulier lorsque les pistes cyclables sont situées sur les trottoirs.

Concertation indispensable

Pour faire plus de place aux modes doux, la concertation est indispensable, car de nombreux automobilistes ne souhaitent pas utiliser ces alternatives et sont très attachés à leur voiture. Pour preuve, l’opposition apparue à l’occasion de l’examen de la loi de simplification, concernant les zones à faibles émissions. La concertation est donc un point essentiel. C’est le cas de la ville de Bordeaux (Gironde), notamment, qui s’est appuyée sur les propositions de la Convention citoyenne, qui s’est déroulée sur six mois en 2024. « Il faut beaucoup de pédagogie et booster la démocratie. Nous mettons en œuvre un urbanisme pragmatique et transitoire.

Nous testons et évaluons ensemble. C’est rapide, pas cher et réversible. Cela aide à convaincre », affirme Didier Jeanjean, adjoint au maire chargé de la nature en ville et des quartiers apaisés. Chambéry (Savoie) a mené aussi de nombreux temps de concertation avec les conseils de quartier citoyens et les associations pour identifier les différents points de conflits. Début 2024, des réunions de restitution ont été organisées. Un lien internet dédié a été créé pour permettre une participation plus large. Les services de la ville ont également rencontré et échangé avec des associations d’usagers de la route, automobilistes et motards, et les concessionnaires de bus.

Embouteillages et risques de conflits

Les mesures pour réduire la place de la voiture ou la vitesse demeurent souvent très impopulaires. Pourtant, en ville, la vitesse moyenne ne dépasse pas 18 km/h, selon l’Ademe. Cependant, « quand il s’agit de mettre en application des mesures qui modifient le quotidien, c’est très difficile », avoue Didier Jeanjean, adjoint au maire chargé de la nature en ville et des quartiers apaisés à Bordeaux (Gironde). Même son de cloche à Grenoble (Isère). « La résistance au changement d’habitude est toujours un frein. Certains anciens plans de circulation sont très contraignants, mais sont très bien acceptés car ils existent depuis vingt ans », remarque Simon Labouret, directeur de projet mission aménagement des espaces publics. La peur des embouteillages est aussi une crainte majeure pour les automobilistes, lors de nouveaux aménagements. Pourtant à Tours (Indre-et-Loire), « les embouteillages n’ont pas augmenté en 2024 », assure Margot Besson, chargée de mission plan d’apaisement. Ils auraient même légèrement baissé, selon les chiffres de deux observatoires de la mobilité. Néanmoins, les relations ne sont pas totalement apaisées entre les différents modes de transport.

« Les conflits demeurent avec la voiture anciennement toute puissante dans l’espace public. En outre, du fait de la métropolisation du territoire, il est difficile de réduire la place de la voiture », reconnaît la chargée de mission.

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Article paru dans Techni.Cités, rédigé par Sylvie Luneau