Le TGV n’est-il réservé qu’aux catégories aisées ? La SNCF s’en défend, affirmant conserver des prix abordables grâce à son offre Ouigo ou ses cartes de réduction, mais l’augmentation régulière des tarifs éloigne inévitablement les classes populaires du voyage à grande vitesse.
La dernière grande étude sur la sociologie des usagers du TGV remonte à 2019. A l’époque, l’Autorité de régulation des transports (ART) avait interrogé 7.409 usagers de ce mode de transport pour en dresser le profil type.
Résultat, les cadres et professions intellectuelles supérieures (CSP+) représentaient 48% des personnes interrogées, contre 10% dans l’ensemble de la population française.
À l’inverse, alors que les ouvriers et employés représentaient à l’époque 45% de la population, seuls 19% de la clientèle TGV était issue de cette catégorie socio-professionnelle.
Depuis cette étude, le prix d’un billet de TGV a augmenté de 8% en moyenne, selon SNCF Voyageurs. Une hausse inférieure à l’inflation sur la même période, et surtout, inférieure à la progression du prix de l’avion (+55%) ou du carburant (+25 à 30%), insiste le directeur de TGV-Intercités, Alain Krakovitch.
La SNCF le martèle régulièrement: la grande vitesse ne reçoit aucune subvention publique et est tenue de faire des profits pour financer ses investissements; et si on anticipe suffisamment son achat, on peut avoir accès à des tarifs abordables.
Ouigo en hausse
SNCF Voyageurs met aussi en avant son offre low-cost Ouigo, mais dont le prix a fortement augmenté ces dernières années. Selon l’ART, rien qu’en 2023, les tarifs de cette offre se sont appréciés de 10%.
L’écart de prix entre Ouigo et TGV Inoui s’amenuise d’année en année
constate la Fédération nationale des associations d’usager des transports (Fnaut). D’après elle :
le prix moyen par passager de Ouigo est passé de 27,60 euros en 2019 à 34,20 en 2023 soit 24% d’augmentation
. Lors d’une réservation à quelques jours du départ, choisir Ouigo n’a même plus aucun intérêt en terme de prix face à Inoui, affirme la Fnaut.
« Est-ce qu’il y majoritairement des CSP+ dans les TGV ? La réponse est oui », soutient sans hésiter Patricia Pérennes, économiste des transports au cabinet Trans-Missions.
« La mobilité est devenue une valeur dans la société et c’est un apprentissage, tout le monde n’a pas la même aisance au déplacement », constate-t-elle.
Elle cite l’exemple d’une caissière de supermarché, qui bien souvent travaille dans la région d’où elle est originaire, et est peu amenée à réaliser des déplacements professionnels, à l’inverse d’un cadre.
L’exclusion des classes populaires du voyage à grande vitesse ne tient donc pas qu’au prix, selon elle. Elle se dit sceptique face à l’idée de baisser le coût des billets.
Concurrence
« Une baisse globale des tarifs TGV reviendrait à prendre de l’impôt à tous pour financer les déplacements des plus riches », puisque les catégories populaires n’ont pas de résidence secondaire ni les moyens de se payer un hôtel le temps d’un week-end, assure Patricia Pérennes.
En 2024, la société de vente en ligne Trainline a enregistré une forte hausse de la demande pour le sud de la France (Nice, Cannes, Avignon) et pour les liaisons internationales, principalement l’Espagne, illustrant le dynamisme des destinations loisir.
Pour Patricia Pérennes, il serait plus judicieux de remettre au goût du jour le « billet congé annuel », créé en 1936, et qui offre à toute personne travaillant le droit à une réduction de 25% sur un aller-retour par an.
Une mesure méconnue, mais difficile à faire valoir auprès de la SNCF, avec un formulaire à faire compléter par son employeur et surtout, une réduction qui s’applique sur le prix maximum du billet – donc sans grand intérêt.
Alain Krakovitch vante lui l’arrivée de la concurrence comme solution pour faire baisser les prix – comme sur le Paris-Lyon, où Trenitalia opère une liaison.
Patricia Pérennes acquiesce et envisage même une baisse des prix de 20% à 30% là où s’implantera la concurrence. « Par contre, il ne faudra pas habiter Saverne ou Bar-le-Duc », prévient-elle, anticipant un tassement des prix uniquement sur les lignes rentables de la SNCF, donc attractives pour la concurrence, soit environ un tiers des lignes à grande vitesse.
Dépêche AFP, repris par exemple dans La Voix du Nord