Dimensions maximales différentes, prix excessifs… Les bagages à main payants compliquent la vie des usagers, mais remplissent les caisses des compagnies low-cost. Ces recettes annexes représentent jusqu’à 50 % de leur chiffre d’affaires.
Le passager a, malgré lui, enfilé un costume de justicier aux yeux des voyageurs du monde entier. Dans une vidéo tournée dans un aéroport espagnol et devenue virale, un client de la compagnie Ryanair apparaît en train d’arracher à mains nues les roulettes de sa petite valise cabine juste avant l’embarquement pour éviter de payer une surtaxe (70 €) pour un bagage au-delà des dimensions maximales. Dans l’aérogare, les autres passagers du vol le regardent, interloqués ou sourire aux lèvres, avant de finir par l’acclamer.
La scène, insolite, en dit long sur le ras-le-bol des usagers, exaspérés par la politique tarifaire adoptée par Ryanair et toutes les compagnies low-cost (EasyJet, Vueling, Transavia). Les consommateurs à la recherche de prix attractifs doivent naviguer dans le grand flou des bagages et de leurs dimensions maximales. Ces règles que la Commission européenne souhaite harmoniser varient d’un transporteur à l’autre. Si les « petits bagages à main » — un sac à dos à placer sous le siège — restent gratuits, les « grands bagages à main » — une valise à roulettes, par exemple — sont payants sur toutes les compagnies.
Seule Transavia, filiale à bas coût du groupe Air France- KLM, résistait. La compagnie tricolore a fini par emboîter le pas début avril. « Beaucoup de clients venaient avec un bagage cabine. Nous étions obligés d’en placer en soute au moment de l’embarquement, ce qui occasionnait de nombreux retards de vol », fait valoir Nicolas Henin, directeur général adjoint. « Notre politique a permis de réduire les temps d’attente lors de l’embarquement ainsi que les autres retards liés à la mise en soute des bagages cabine », rebondit- on chez EasyJet, qui a rendu les bagages cabine payants dès février 2021, trois ans après Ryanair, pionnier dans le domaine.
Une manne financière énorme
L’explication, commune à tous les transporteurs, est recevable, mais ne suffit pas à masquer d’autres raisons, purement financières. Le modèle économique des compagnies low-cost repose en grande partie sur une rotation rapide des avions et sur la vente d’options, comme les bagages ou le choix du siège. Les transporteurs gardent des prix de billet très bas, pour apparaître dans les premières réponses lors des requêtes sur des comparateurs (Kayak, Liligo…) avant de très vite se rattraper.
Une stratégie différente de celle des compagnies dites « traditionnelles » (Air France, Lufthansa, British Airways…) où le prix, plus élevé, comprend le billet et des bagages cabine. « La philosophie lowcost est assez simple : le client ne paie que ce qu’il consomme. Celui qui veut voyager sans aucun bagage peut le faire, résume Paul Chiambaretto, professeur à la Montpellier Business School et spécialiste du transport aérien. Pour certains transporteurs, ces recettes annexes représentent 50 % de leur chiffre d’affaires. C’est une manne financière énorme. » Que les compagnies protègent, coûte que coûte.
Pour éviter que les voyageurs n’embarquent des bagages cabine sans payer l’option, des agents d’escale contrôlent à l’embarquement de manière aléatoire des passagers avec des sacs et valises qui semblent au-delà des limites autorisées. Pris la main dans le sac, les clients, qui crient à l’injustice, doivent débourser entre 58 € (chez EasyJet) et 70 € (Ryanair) pour monter dans l’avion. « Les compagnies jouent sur la force de l’exemple. Une fois que vous avez vu quelqu’un se faire épingler et payer, vous réglez l’option à la réservation pour éviter que ça ne vous arrive », glisse Paul Chiambaretto. Ou alors les voyageurs ne prennent que des sacs de petite taille et réduisent à peau de chagrin les affaires emportées.
Manque de transparence et frais cachés
Quand vous partez en vacances avec vos enfants, vous ne pouvez pas emporter qu’un seul petit sac à dos
lance François Delétraz, président de la Fédération nationale des usagers des transports (Fnaut). Les compagnies lowcost manquent de transparence et jouent avec ces frais cachés. En Espagne, quatre transporteurs (Ryanair, Vueling, EasyJet et Volotea) ont reçu une amende de 150 millions d’euros à la suite de la plainte d’une association de consommateurs, pointant la facturation des bagages à main entre autres. Les compagnies vont faire appel. « Elles ne vont, de toute façon, pas remettre en cause leur modèle », évacue François Delétraz. Bien au contraire.
Il pourrait même essaimer chez les compagnies « traditionnelles ». Leurs tarifs de billets élevés laissent le champ libre aux low-cost pour se développer à toute vitesse. « Elles ne rendront pas le bagage cabine payant. En revanche, elles pourraient proposer des packages allégés moins chers, qui correspondent aux besoins des clients aux budgets contraints, décrypte Paul Chiambaretto. Ce serait une alternative aux low-cost. » Et une nouvelle offre, encore, à déchiffrer dans ce grand bazar pour les voyageurs.
Article source : Le parisien version papier du 8 juin 2024, écrit par Victor Tassel
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