
La Fnaut a été conviée à une table-ronde sur les mobilités organisée au Gazette Café ce jeudi 3 avril. Le président François Delétraz, de passage à Montpellier, a fait part de ses doutes sur la gratuité. Julie Frêche lui a répondu.
« Intenable financièrement »
« Au centre des débats, la question de la gratuité des transports a pris une dimension centrale. Pour le président de la Fnaut, la gratuité est tout bonnement inadaptée car « d’une part, intenable financièrement pour une collectivité, et d’autre part, inefficace pour réduire la présence des voitures sur la route ». Des arguments combattus par Julie Frêche, la vice-présidente des mobilités à la Métropole de Montpellier, qui a tenu tête au président de la Fnaut en expliquant pourquoi le pari de la gratuité, dans les 31 communes de la Métropole, prend tout son sens.
Moins de recettes pour la TAM
Mais c’est bien François Delétraz qui pose le cadre en précisant que la fédération qu’il représente n’est pas contre la gratuité, « à la condition qu’elle serve ce qui en ont vraiment besoin », expliquant qu’il faut faire payer celles et ceux qui en ont les moyens. « Nous sommes favorable à une tarification solidaire. En effet, lorsque vous avez un bon salaire, vous n’avez pas besoin que l’on vous offre le tramway », assure-t-il. Pour le président de la Fnaut, la Métropole de Montpellier a fait le choix de priver la TAM (l’opérateur des mobilités locales) d’une partie de ses recettes, de l’argent qui va nécessairement manquer dans les caisses.
« Les études le prouvent : ce n’est pas la gratuité qui va permettre le report voiture/tram ou bus, mais la qualité de l’offre »
Le principe de la gratuité totale, au final, implique que tous les contribuables des 31 communes vont devoir quand même mettre la main à la poche, à travers les impôts locaux. Et précisons que le versement mobilité dont doivent s’acquitter les entreprises ne suffira pas
argumente François Delétraz, qui évoque le deuxième effet du manque à gagner pour la TAM : les conséquences sur l’investissement. « Comment la collectivité fera pour investir dans de nouvelles rames, dans du nouveau matériel, et pour assurer l’entretien de tout le réseau ? », s’interroge le journaliste qui enfonce le clou en confirmant que la gratuité du tram et du bus n’induit pas la réduction du trafic routier.
« Plus de voyageurs, un effet d’opportunisme »
« Les études le prouvent : ce n’est pas la gratuité qui va permettre le report voiture/tram ou bus, mais la qualité de l’offre. Pour cela, il faut beaucoup de fréquences, et à Montpellier, des lignes sont déjà saturées, comme la ligne 1 du tramway, confirmant que l’offre n’est pas suffisante », affirme le journaliste. Quant à la hausse de fréquentation brandie par la Métropole, il faudrait la modérer : « La gratuité encourage un certain public, ceux qui prenaient déjà le tram ou les bus, ceux qui marchent ou qui font du vélo, à emprunter plus souvent le tram pour faire ne serait-ce qu’un ou deux arrêts. C’est une sorte d’effet d’opportunisme qui participe effectivement à l’augmentation de la fréquentation des rames mais cela ne signifie pas que plus de Montpelliérains délaissent la voiture ».
Julie Frêche : « je peux assurer qu’avec la gratuité, nous avons fait bouger les choses »
« Tout d’abord, il faut rappeler, qu’ici, la gratuité a été abordé sous l’angle de la multi-modalité, c’est-à-dire des aménagements et des investissements pour permettre de mixer tous les modes de transports, le tram et les bus bien sûr, mais aussi le vélo, le covoiturage, la voiture également qui est intégrée dans notre vision. Nous avons mis en place une stratégie globale que nous avons voulu la moins dogmatique possible. Nous avons plusieurs objectifs : encourager les mobilités douces, c’est moins de CO2 et de pollution dans les villes, et donc une réponse à un enjeu de santé majeur, et c’est aussi une mesure qui répond à un enjeu social, celui d’agir pour le pouvoir d’achat de nos concitoyens, sachant que Montpellier subit un très fort de taux de précarité et que nous avons 12 quartiers classés prioritaires. Ici, pour une famille de 4 personnes, la gratuité représente une économise de 1 470 € par an. Cette politique de la gratuité, mise en place depuis le 21 décembre 2023, fonctionne bien : en 2024, nous avons enregistré 110 millions de déplacements sur notre réseau de transports en commun, soit une augmentation de la fréquentation de près de 30% sur le tram. Dans le même temps, la part du vélo est aussi en croissance… Nous ferons prochainement le point sur ces sujets, mais je peux assurer qu’avec la gratuité, nous avons fait bouger les choses. Ce n’est pas un hasard : nous sommes la Métropole française qui investit le plus dans les mobilités avec un plan d’investissement de plus d’un milliard d’euros sur six ans, pour le tram, les bus à haute qualité de service, le vélo, le covoiturage. On va faire la preuve que la gratuité, ça marche. Il ne faut pas imaginer le pire : nous n’avons pas fait les choses de manière inconsidérée.
François, tu estimes que la gratuité ne génère pas moins de voiture sur la route. Nous, nous avons mis en place l’offre qui permet de laisser sa voiture à la maison. Si chaque habitant de la métropole en prend conscience et se décide à faire l’effort de venir ne serait-ce qu’une fois par semaine en transport en commun à Montpellier, cela réduirait la congestion de la circulation d’au moins 25%.
Enfin, et je veux revenir sur ce point, la gratuité des transports en commun, c’est quand même un outil incontournable : il s’agit de rendre la mobilité sans CO2 accessible à tous. Nous prenons ainsi notre part dans la lutte contre le réchauffement climatique afin d’assurer l’avenir de nos enfants. Avec la gratuité, Montpellier fait également une avancée majeure dans la transition écologique du territoire.
Pour conclure, je veux préciser qu’il ne faut pas juger la gratuité maintenant, il faut lui laisser du temps. La gratuité, ça peut ne pas marcher, bien sûr, mais si c’est le cas, il faut le rappeler aux Montpelliérains, nous serons toujours capables d’apporter des correctifs ». »
Article paru sur actu.fr, par Gil Martin