La loi dite Macron libéralisant le transport par autocar a été élaborée dans la précipitation, sans collaboration avec le ministère des Transports, sans consultation des associations d’usagers, sans analyse de son impact énergétique et environnemental. De plus, l’utilisation de l’article 49-3 par le gouvernement n’a pas permis de porter le débat devant le Parlement.
Une loi improvisée
De nombreux problèmes fondamentaux n’ont pas été réglés : la gouvernance, le financement et l’équipement des gares routières ; la coordination entre services routiers et ferroviaires ; les conditions d’une concurrence équitable entre l’autocar et le train.
Quel que soit le régime adopté pour financer et gérer les gares routières – par des collectivités territoriales (villes ou régions), des opérateurs ou des structures dédiées (GIE) -, l’essentiel était d’en créer et d’y garantir la transparence des conditions d’accès des autocars (tarification et allocation des quais) et l’absence de discrimination entre opérateurs. Cela n’a pas été fait : 77 villes desservies ne disposent toujours pas de gare routière et, comme on l’a évoqué précédemment, l’équipement des gares existantes n’est pas satisfaisant.
La Fnaut a cependant estimé que la libéralisation était utile car elle permet de créer des services sur des itinéraires précédemment non desservis par train ou autocar et de développer, sur l’ensemble du territoire, une offre nécessaire aux voyageurs modestes (les jeunes, une partie des seniors) car moins coûteuse que l’offre ferroviaire.
Une loi prématurée
Cependant, la loi était prématurée, le schéma national des services ferroviaires (prévu par la loi de réforme ferroviaire du 4 août 2014) n’ayant pas encore été élaboré et le rail n’ayant pas été mis au préalable en situation de pouvoir résister à la nouvelle concurrence de l’autocar. La Fnaut a regretté que la libéralisation du transport par autocar n’ait pas été accompagnée par celle des services publics ferroviaires, régionaux (TER) et nationaux (TET), qui aurait permis de muscler le train et de lui donner toutes ses chances face à un concurrent réactif et à l’écoute du client : le train et le car ont été mis en concurrence sans précaution et sans hésitation, avant de mettre en concurrence les opérateurs ferroviaires.
Ce regret est d’autant plus vif que, de surcroît, cette libéralisation intervient avant la remise en état correct du réseau ferré classique et vient à l’évidence servir d’alibi pour accélérer réductions de services et suppressions de lignes ferroviaires régionales et nationales. En Allemagne, la libéralisation ferroviaire a au contraire précédé la libéralisation routière et le réseau ferré fait l’objet de travaux très importants pour augmenter sa capacité : 800 chantiers étaient en cours en 2016.
L’aménagement du territoire
Il est trop tôt pour faire un bilan de la loi Macron en termes d’aménagement du territoire. Le marché de l’autocar va-t-il encore se développer ? La concurrence des autocars fera-t-elle disparaître des services ferroviaires fragiles (TER interrégionaux et Intercités) ?
Un point positif peut être relevé dès maintenant : la création de dessertes collectives entre villes non reliées auparavant par train ou par car et de lignes transversales. Par contre, un point négatif est à noter : l’absence d’une desserte intermédiaire, que permet le train, des villes moyennes et petites situées entre grandes villes reliées par un autocar utilisant l’autoroute. En effet, tout arrêt hors de l’autoroute augmente le temps de parcours de manière notable.
Ainsi, en concurrence frontale avec le train Intercités Aubrac, qui dessert 19 arrêts dont Millau, où il offre des correspondances vers Rodez ou Mende, le car Flixbus Béziers – Clermont-Ferrand emprunte l’autoroute A45 et ne dessert même pas Millau : il ne s’arrête qu’à Saint-Chély d’Apcher, sur une aire de l’A75, à 10 km du centre-ville…
Contrairement à une offre, ferroviaire ou routière, conventionnée, l’offre routière libéralisée est purement commerciale : elle ne répond à aucune préoccupation de service public ou d’aménagement du territoire. Un transporteur adapte son offre en fonction de ses recettes ; la pérennité d’une ligne n’est donc pas garantie, comme cela se vérifie à Guéret et Montluçon : seule compagnie à s’arrêter dans ces deux villes de 13 000 et 38 000 habitants respectivement, Flixbus suspend la desserte faute de rentabilité pendant l’hiver.
Et dans l’hypothèse où la création d’un service Macron inciterait une Région à supprimer un service TER ou TET, ou provoquerait sa disparition (auquel cas l’ARAFER, en l’ayant autorisée, aurait mal apprécié la situation de concurrence entre car et train), rien n’obligerait l’opérateur privé à pérenniser son offre.
Les coûts économiques et externes de l’autocar
L’autocar paie-t-il l’intégralité de ses coûts économiques (usure des routes) ? Le doute est permis. Il consomme du gazole partiellement détaxé. Il paie des péages sur autoroute, mais d’un montant très faible : il est alors subventionné par les automobilistes, comme le sont les camions. Une écotaxe serait justifiée quand il circule sur le réseau routier ordinaire.
Par ailleurs, à notre connaissance, aucune étude sérieuse, que ce soit en Allemagne ou en France, n’a encore été réalisée sur les coûts externes (consommation d’énergie, pollution de l’air, bruit et émissions de gaz à effet de serre) de l’autocar longue distance. Une telle étude aurait dû précéder l’élaboration de la loi Macron.
Selon la Fédération Nationale des Transports de Voyageurs (FNTV), « l’autocar est plus respectueux de l’environnement que la voiture, le train et l’avion, il répond aux exigences d’une mobilité responsable et durable », mais elle ne précise ni le mode de traction, thermique ou électrique, du train, ni le taux de remplissage des véhicules considérés… L’ADEME estime au contraire que le train est bien moins consommateur d’énergie et émetteur de gaz à effet de serre que l’autocar.
Selon les autocaristes, 50 % de leurs clients auraient utilisé leur voiture particulière ou le covoiturage sans les cars Macron. Quand l’autocar concurrence l’autosolisme et le covoiturage, et obtient ainsi un bon taux de remplissage, son bilan environnemental est évidemment positif. Mais l’effet est inverse quand il concurrence et fragilise le train : un bilan précis reste à faire.
Selon Emmanuel Macron, « l’autocar, c’est du covoiturage industriel ; un autocar à moitié rempli a un meilleur bilan carbone qu’un train vide » : la comparaison est sans intérêt, on pourrait aussi bien opposer le bilan de l’autocar mal rempli à celui du train – Intercités ou TGV – mieux exploité qu’il ne l’est aujourd’hui par la SNCF, donc mieux rempli.