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Audition du Conseil d'État, réussir le dernier kilomètre : nouveau défi des politiques publiques ?

04 Jan 2023

Le 13 décembre 2022, Bruno Gazeau, Président de la Fnaut et Alain Richner, responsable du réseau urbain au sein de la Fnaut, ont répondu à une audition du Conseil d’État sur le thème : « Réussir le dernier kilomètre : nouveau défi des politiques publiques ? ». Voici la position de la Fnaut.

La position de la Fnaut s’articule autour de 4 points :

  1. L’aménagement urbain cohérent doit intégrer toutes les mobilités, y compris les mobilités douces en posant la question du partage de la voirie, celle de la continuité et de l’aménagement des liaisons cyclables et piétonnes. Il doit s’appuyer sur les documents d’urbanisme existants et présents. 
  2. L’espace public et son usage sont considérés comme gratuits par tous les services de livraison qui désormais sillonnent dans tous les sens.Distinguer le prix du produit et le coût de la livraison nous parait indispensable et un préalable à l’examen d’une fiscalisation par les AO métropolitaines pour le financement de travaux de voirie et leur maintenance.
  3. Le dernier kilomètre doit s’inscrire dans un système de mobilité et être partie prenante des correspondances, de l’information voyageurs qui lui est liée et du système billettique.À cet égard la LOM ne prévoit pas l’obligation d’inscrire dans les contrats vélos et trottinettes des « obligations de service public » en contrepartie de l’usage de la voirie, visant à maintenir en permanence et en particulier en soirée une offre de vélos et trottinettes en bout de ligne métro et BHNS. 
  4. La LOM a institué des comités de partenaires auxquels est soumis la stratégie de mobilité. Elle devrait s’étendre à l’examen de l’exécution de cette stratégie. 


Comme l’a souligné la Fnaut dans ses différentes interventions, la politique d’amélioration des déplacements dans les agglomérations et les aires urbaines, comme solution à la congestion et à la pollution urbaines, passe notamment par :

  • le transfert modal vers les modes actifs et les transports collectifs, ferrés et routiers
  • l’utilisation de différents outils, en particulier les plans de mobilité et les zones à trafic limité en accompagnement des ZFE
  • le renforcement du lien entre l’urbanisation et les transports, avec des collectivités locales ou des regroupements de collectivités maîtrisant les deux domaines
  • le développement de la concertation avec les habitants et les associations d’usagers.
  • L’objectif de cette politique globale est de conduire à une ville plus sereine.

1. La nécessité d’un aménagement cohérent du territoire et des services de mobilité pour faciliter l’accès aux biens et services publics

L’accès aux biens et services publics nécessite de coordonner les services de mobilité entre eux de façon à favoriser l’accessibilité à ces services par les modes les moins consommateurs d’énergie et les moins polluants, comme les modes actifs (marche à pied, vélo) et les transports collectifs.

Or, les différents services de mobilité sont organisés par des collectivités territoriales différentes

  • La région est autorité organisatrice des services TER et des autocars interurbains, notamment ceux assurant les déplacements des élèves
  • Les agglomérations urbaines, sous la forme d’AOM parfois très étendues, ont en charge les services urbains de mobilité
  • L’Etat, les départements et les communes sont maîtres d’ouvrage des différents niveaux de voirie, sur lesquels se déplacent les piétons, les transports collectifs et les différents modes de transport individuels.

La concertation entre ces différents maîtres d’ouvrage est indispensable afin qu’il y ait une continuité des déplacements pour permettre l’accès aux biens et services publics

En milieu urbain, des outils d’aménagement comme le plan de mobilités et les zones à trafic limité sont des procédures offrant des instances de concertation entre les différents partenaires. Compte tenu de son impact sur la congestion et la consommation d’énergie, la question des livraisons urbaines doit faire partie du plan de mobilités

Dans de nombreuses villes moyennes et dans les périphéries des agglomérations, des aménagements physiques sont nécessaires pour élargir les trottoirs, les entretenir et faire en sorte que tous les cheminements piétons soient bien éclairés. Les trottoirs doivent être strictement réservés aux piétons

Cette politique doit concerner tous les quartiers d’une agglomération et pas seulement le centre-ville historique

Dans les aires urbaines périphériques et dans les zones rurales, l’accès aux services publics doit être favorisé depuis les gares ferroviaires par la réalisation de trottoirs, d’aménagements cyclables continus afin que le dernier kilomètre puisse se réaliser par un mode actif. Hors agglomération, cette politique doit se traduire par la réalisation de trottoirs, de voies cyclables ou de bandes cyclables le long des chaussées, y compris le long des routes départementales

La sécurité des usagers des autocars doit être assurée aux arrêts et par des cheminements entretenus le long de ces voies. Les ronds-points doivent être aménagés pour offrir des parcours sécurisés aux piétons et aux deux-roues

La concertation et la coordination des différents maîtres d’ouvrage est nécessaire afin de réaliser des investissements cohérents. Des pôles d’échanges avec les transports collectifs et des parcs à vélo sont nécessaires à proximité des gares afin de favoriser l’intermodalité

On peut regretter que les nouveaux opérateurs de vélo en location se focalisent sur les centres urbains, déjà bien dotés en services de mobilité, alors que des besoins de rabattement existent dans les zones périphériques

S’agissant de services de mobilité proposés par des applications numériques, il convient de réfléchir à l’accessibilité de ces services : la Fnaut demande qu’à toute application numérique soit associée une offre de « hot line » par téléphone suffisamment disponible. Tous nos concitoyens, quelles que soient leurs ressources et leurs capacités physiques, doivent pouvoir accéder à l’information. Les mairies, les maisons France Services ainsi que les offices de tourisme, qui offrent un accueil physique, peuvent contribuer à l’information sur les services de mobilité

Les aménageurs et les maîtres d’ouvrage doivent prévoir les flux de mobilité dès la conception de leurs futurs investissements et positionner ces équipements à proximité des axes de transport collectif. Les concepteurs des établissements administratifs, scolaires et universitaires, des centres hospitaliers et médicaux ainsi que des zones d’activité doivent travailler sur la mobilité des personnes qui utiliseront leurs futurs équipements

Il en est de même des maîtres d’ouvrage privés pour les centres commerciaux par exemple. Dans les aménagements, les modes actifs et les transports collectifs doivent être privilégiés

Les documents administratifs existants doivent servir de références. Pour les grands projets (services ferroviaires métropolitains par exemple), un syndicat mixte peut associer les différentes autorités organisatrices

Le chauvinisme régional ou municipal qui existe chez certains élus, et parfois même chez les habitants, ne permet pas d’aborder correctement les sujets de mobilité. Compte tenu des enjeux climatiques, la Fnaut considère que les collectivités doivent coopérer car les déplacements concernent des bassins de vie de vaste superficie et transcendent les frontières administratives.

2. L’usage de l’espace public

L’espace public est un bien rare dont l’usage doit être maîtrisé, aussi bien pour le déplacement des personnes que pour celui des marchandises (livraisons urbaines)

Grâce à la décentralisation du « forfait post stationnement » les villes disposent d’un outil et de ressources pour organiser le stationnement dans les différents quartiers en fonction de l’habitat et des activités qui s’y déroulent. Dans la plupart des agglomérations, en particulier dans les rues commerçantes, la mixité des fonctions est à rechercher pour développer la vitalité des coeurs de ville

La circulation et le stationnement des motos, des vélos et des trottinettes en libre-service doivent être maîtrisés. Pour la sécurité de tous et notamment des piétons sur les trottoirs, les règles applicables à chaque mode doivent être expliquées et plus largement diffusées. Des contrôles du respect de la règlementation doivent être systématisés

La maîtrise du stationnement fait partie du pouvoir de police des maires et constitue un outil indispensable pour assurer de façon sereine la mobilité du dernier kilomètre. Le stationnement payant permet la rotation des véhicules et la création de zones de livraison adaptées est nécessaire pour le déchargement des véhicules

Depuis quelques années, les livraisons aux particuliers se développent de façon anarchique avec des conséquences sur l’occupation de l’espace, la consommation d’énergie et la pollution. Le volume des déchets d’emballages augmente. Dans certaines villes, des « dark stores » voient le jour sans que les flux logistiques correspondant aient été organisés.

Distinguer le coût du produit et le coût de la livraison nous paraît indispensable et constituerait une ressource pour le financement des travaux de voirie et leur maintenance. De même, les ressources dégagées par le stationnement payant, première forme du péage urbain, pourraient être utilisées pour le développement des services collectifs de mobilité

La concertation entre les communes et les autorités organisatrices de mobilité est nécessaire dans le cadre des procédures existantes comme les plans de mobilité urbaine et les zones à trafic limité

Une information et une concertation avec les habitants, les usagers et les associations qui les représentent est nécessaire afin qu’un prise de conscience s’opère et que les nouveaux modes de consommation se développent avec la tarification des coûts sociaux qu’ils engendrent.

3. Le dernier kilomètre, partie intégrante du système de mobilité

Le dernier kilomètre est un élément important du déplacement et toute personne qui se déplace considère le « bout en bout » de son déplacement.

Au moment de changer de mode, puisqu’il y a « rupture de charge », le dernier kilomètre devient un des éléments de la correspondance

À ce titre, il a besoin d’être relié aux éléments du déplacement précédent de trois façons :

  • Géographique ;
  • Information voyageurs ;
  • Billettique.

Géographique car la correspondance doit être simple, courte et rapide. Passer d’un métro, d’un tramway, d’un co-voiturage, à une solution deux roues motorisées ou non, à une piste cyclable ou à un cheminement piéton exige du concevoir un aménagement qui facilite cette transition.

L’information voyageurs doit être immédiatement accessible, visible et lisible de jour comme de nuit sur tout support. Enfin la dimension billettique est essentielle : le coût doit être inclus dans un usage multimodal pour l’accès à un nouvel usage, possible sur borne ou de façon dématérialisée via une application

La Fnaut se félicite que la LOM ait ouvert et facilité l’accès aux mobilités douces vélos en libre-service, trottinettes, scooters électriques en actant la contractualisation entre les collectivités, autorités organisatrices et les opérateurs. Elle regrette que la LOM n’ait pas fait obligation aux opérateurs et de maintenir une offre en permanence, en particulier le soir aux terminus des lignes de métro, tram, de bus en évitant de concentrer les vélos et scooters aux points de jonction en centre-ville là où l’offre de mobilité est déjà abondante et diverse. Il nous semble que cette obligation peut être imposée en contrepartie de l’usage de la voirie.

4. Les comités de partenaires

La LOM a institué des comités de partenaires qui rassemblent les acteurs de la mobilité, élus et opérateurs, les entreprises, les usagers… Ces acteurs sont réunis à l’initiative de l’AO au moins une fois par an pour débattre de la stratégie de mobilité : offre de service, lignes, cadences, amplitudes, horaires, tarification, qualité de service etc.

La Fnaut se félicite de la création de ces comités et de l’amplitude de ses prérogatives. Elle souhaite cependant que les Autorités Organisatrices (régions, métropoles, syndicats de commune), réunissent ces mêmes acteurs une ou plusieurs fois dans l’année pour qu’il leur soit rendu compte de l’exécution des services et qu’ils puissent proposer les corrections nécessaires en termes d’exactitude, de fiabilité, d’information voyageurs dans les meilleurs délais si nécessaire. L’installation de ces comités est lente environ 10 % ont été installés. Ceci nécessitera beaucoup de réunions pour notre association et exigera beaucoup de formation pour tous les bénévoles qui y participeront.

Cliquez ici pour télécharger la position de la Fnaut sur le dernier kilomètre

Contacts presse :

  • Bruno Gazeau, Président de la Fnaut, tél. 06 76 73 31 09
  • Alain Richner, membre du bureau national de la Fnaut et pilote du réseau mobilités urbaines de la Fnaut, tél. 06 24 40 24 64