En janvier 2025, Nouvelle-Aquitaine pourrait arrêter de vendre des billets TGV et Intercités dans ses gares non desservies par une ligne spécifique. Pas de quoi inquiéter la SNCF qui dit ne vendre que 10% de ses billets TGV aux guichets. Derrière cette décision, les bisbilles entre la région dirigée par le socialiste Alain Rousset avec le groupe ferroviaire public : « La SNCF refuse d’ouvrir à la vente notre billettique « Modalis », billet unique qui regroupe toute l’offre et tous les opérateurs de transport de la région, TER, autocars, urbains, autopartage, covoiturage, vélos en libre-service », indique Renaud Lagrave, vice-président en charge des transports de Nouvelle-Aquitaine.
Mesure de rétorsion à l’égard de SNCF Voyageurs, déjà critiquée par Trenitalia et Renfe qui ne sont pas vendus aux guichets ou sur SNCF Connect, par les plateformes privées de distribution, Trainline en tête, qui accuse le transporteur public de position dominante avec son agence de voyages numérique ? « Les discussions sont en cours avec la région, et elles sont très constructives « , affirme de son côté la SNCF sans plus de commentaire.
En 2022, 209 millions de billets ont été vendus sur SNCF Connect, dont 93 millions de billets TER. Mais aujourd’hui, certaines autorités régionales de transport qui développent leur propre billettique s’agacent. « Si demain, la SNCF joue la réciprocité et vends nos billets multimodaux Modalis, je peux ajouter TGV et Intercités sur notre appli. Ça se fait partout en Europe, tout le monde vend tout le monde, sauf la SNCF. C’est une mesure de bon sens », reprend Renaud Lagrave. Sauf pour les voyageurs, pris en otage. Les effets de la régionalisation des TER.
En France, la régionalisation des transports ferroviaires, depuis 2002, a entraîné la disparition de nombreux guichets dans les gares situées hors des agglomérations; seuls des automates permettent d’acheter et d’éditer un titre de transport. Résultat d’un jeu de dupes entre les régions et SNCF. « Depuis plus de cinq ans, la SNCF qui mise sur le tout numérique, s’est retirée du financement des guichets, sauf en gare de Bordeaux et Poitiers. Elle refile la patate chaude à la région Nous n’avons quasiment pas fermé de guichets mais adapté les horaires d’ouverture, fermé ceux où se vendaient quasiment plus de billets », affirme l’élu aquitain.
Avec l’arrivée de services MaaS, imposés par la loi Mobilités de 2020 et en cours de développement dans plusieurs régions (Normandie, Bretagne, Auvergne-Rhône-Alpes, Sud Paca) qui permettent de planifier, réserver et payer de nombreux moyens de transport sur une même plateforme numérique avec une billettique associée, les régions veulent maintenant avoir la main sur les canaux de distribution.
Une gare sur trois équipée de guichets de vente TGV ou Intercités Carte des gares SNCF équipées ou non de guichets de vente de billets TGV et trains Intercités.
Dans une région dont je ne peux pas citer le nom, l’émission d’un billet TER coûte 13 euros, souvent plus que le prix du billet !
avance François Delétraz, président de la Fédération nationale des associations des usagers des transports (Fnaut) qui milite pour que la SNCF soit le distributeur de tous les opérateurs ferroviaires et que « SNCF Connect ne soit plus une agence de voyages mais un distributeur national, comme la Deutsche Bahn en Allemagne ou le CFF en Suisse », relève le représentant de l’association de défense des voyageurs.
La Fnaut a d’ailleurs publié juste avant l’été uneétude montrant que seulement une gare sur trois dispose d’un guichet avec agents pour acheter des billets TGV ou Intercités. Sur les 3023 gares du réseau ferré, seulement 753 ont un guichet permettant l’achat de ces billets. Et dans certains départements franciliens, les Yvelines, les Hauts-de-Seine, le Val-de-Marne et la Seine Saint-Denis, il n’y en a tout simplement pas. Pas toujours possible non plus d’acheter un billet TGV dans les gares situées sur les lignes à grande vitesse : la Fnaut en recense 11 dépourvues de guichet de vente, Montpellier Sud-de-France TGV ou Besançon Franche-Comté TGV, par exemple.
Globalement, la SNCF justifie la baisse du nombre de guichets physiques par le report vers l’achat de billets en ligne. La part globale des ventes au guichet des billets TGV a été divisée par deux depuis 2016, et ne dépasse pas les 10%.
30% des citoyens sont exclus du numérique
rétorque la Fnaut. Certes, la vente de billets peut se faire par téléphone sur le 3635, dans des maisons communales de services ou dans des commerces partenaires, chez les buralistes par exemple. Mais ce que demandent les usagers , c’est plus de présence humaine en gare. Lors d’une récente conférence de presse, Xavier Wattebled, responsable CGT des cheminots Nord-Pas-de-Calais, affirmait que tous les petits guichets vendant moins de 20 billets par jour seraient menacés de fermeture dans les Hauts-de-France.
Article paru dans Ville Rail et Transports, par Nathalie Arensonas