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IDF : Le métro accessible à tous, un projet pharaonique évalué à 20 milliards d’euros

27 Août 2024

Les Jeux paralympiques vont-ils donner un coup d’accélérateur à un projet maintes fois évoqué et jamais lancé ? Ce lundi matin Valérie Pécresse, la présidente (LR) de la région Île-de-France a mis les pieds dans le plat. « Un métro pour tous, ça peut être le grand projet de la décennie à venir ! La proposition est sur la table. Il faut des décisions politiques », déclare-t-elle au détour d’une conférence de presse sur la préparation des Jeux paralympiques.

Après le Grand Paris Express, le supermétro automatique de 200 km à 36 milliards d’euros, qui desservira la banlieue parisienne au gré de 68 gares à l’horizon de 2031, Valérie Pécresse veut lancer ce nouveau défi du métro parisien accessible aux personnes à mobilité réduite. « Nous avons eu le Grand Paris Express qui était un grand projet qui nous a mobilisés depuis des années, aujourd’hui je pense que le prochain grand projet c’est un métro pour tous », nous précise-t-elle quelques heures plus tard.

Des efforts ont été menés ces dernières années pour permettre aux PMR d’utiliser davantage les transports en commun. « Aujourd’hui, 290 gares sont accessibles, c’est cinq fois plus qu’en 2016. 95 % du trafic RER et train sont accessibles », rappelle la patronne de la région. Le réseau ferré d’Île-de-France Mobilités, qui est l’un des plus denses au monde avec 56 % d’accessibilité aujourd’hui, rattrape celui du Grand Londres après les Jeux olympiques de 2012 », insiste Valérie Pécresse.

Reste un point noir sur la carte : Paris. Si 100 % des lignes de bus et de tramways parisiens sont accessibles aux personnes à mobilité réduite, le métro, lui, est beaucoup moins performant. Seuls la ligne 14 ainsi que les prolongements des lignes 11 et 4 sont dotés des équipements nécessaires.

« Un tiers du budget, ça sort d’où ? »

Le sujet n’est pas nouveau. Une étude a même été commandée en 2019 pour évaluer la faisabilité de ces travaux d’accessibilité sur la ligne de métro 6 qui relie la station Nation à la gare Charles-de- Gaulle Étoile. Coût du projet : entre 600 et 800 millions d’euros.

C’est sur ce dossier que la région s’est d’ailleurs appuyé pour évaluer le budget nécessaire pour un plan global d’accessibilité du métro parisien. « Cela représenterait une enveloppe de 15 à 20 milliards d’euros », annonce Valérie Pécresse. La région Île-de- France se dit prête à en financer un tiers et se retourne maintenant vers l’État et la mairie de Paris pour savoir s’ils s’engageraient sur ce projet.

De quoi laisser la mairie de Paris… perplexe. « Le dossier progresse, c’est une bonne chose. Ce plaidoyer du métro accessible à tous, nous le portons », rappelle Lamia El Aaraje, la première adjointe d’Anne Hidalgo en charge de l’urbanisme et de l’accessibilité universelle. « Mais les transports, c’est de la responsabilité de la région », s’empresse-t-elle d’ajouter.

L’Hôtel de Ville, se refuse catégoriquement à s’engager sur une quelconque enveloppe budgétaire pour financer des travaux. « Un tiers du budget, ça sort d’où ? Tout ça est prématuré ! » balaye l’adjointe de la maire de Paris. La ville ne nie pas pour autant son appétit pour le projet. « On sait que la mise en accessibilité de toutes les stations est complexe voire impossible… Pourquoi pas une mise en accessibilité partielle ? Mais il faut déterminer les stations à aménager, les lignes prioritaires… Il faut donc se mettre autour de la table pour discuter », tranche Lamia El Aaraje.

Cantonné à la gestion des affaires courantes, le ministre des Transports démissionnaire Patrice Vergriete, lui, ne souhaite pas réagir à cette proposition lancée par la patronne de la région Île-de-France. Mais les usagers, eux, applaudissent l’initiative de cette dernière.

Rendre le métro accessible à tous, c’est une très bonne chose. L’installation d’un accès par ascenseur, ça ne servirait pas qu’aux personnes à mobilité réduite mais aussi aux autres usagers comme les personnes âgées ou encore les familles avec poussettes

souligne Bernard Gobitz, le vice-président de l’AUT (Association des Usagers des Transports). Avec une petite réserve

Il ne faut pas que ces aménagements soient engagés à la place d’autres projets attendus

s’inquiète-ton à l’AUT. « Le budget que je m’engage à mettre concerne la région. Ça n’a rien à voir avec IDFM (NDLR : l’autorité organisatrice des transports en commun présidée par Valérie Pécresse) et donc rien à voir avec le budget de modernisation du matériel roulant », désamorce Valérie Pécresse.

Un simple effet d’annonce ?

Les associations de défense des personnes en situation de handicap, elles, restent prudentes. « L’intention est évidemment louable. Mais il ne faudrait pas qu’elle reste au stade de l’effet d’annonce », note Nicolas Mérille, conseiller national accessibilité de l’association APF-France Handicap, qui réclame des engagements plus immédiats.

« Il faudrait par exemple que les responsables des réseaux de transports en commun s’engagent à prendre en compte l’aspect accessibilité lors de chaque rénovation de gare ou de station. Pour l’instant, ce n’est toujours pas le cas », s’étonne le conseiller en rappelant que France-Handicap et trois autres associations avaient envoyé au printemps dernier un courrier à Île-de-France Mobilités pour réclamer cet engagement. « Nous n’avons pas eu de réponse. »

Le spécialiste appelle aussi à la vigilance sur les aménagements qui seront réalisés. « La plupart des stations et des gares (hors Paris), sont maintenant dotées d’ascenseurs. Mais les usagers en fauteuils qui les utilisent doivent quand même demander l’intervention d’un agent muni d’une rampe pour leur permettre de passer du quai au train. Ce n’est pas vraiment de l’autonomie ! », souligne le membre d’APF-France Handicap.

Article paru dans Le Parisien par Marie-Anne Gairaud, Benoît Hasse

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Crédit image : REUTERS/Stéphanie Lecocq, Le Parisien