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Le Pass rail, succès d’estime mais échec populaire

03 Sep 2024

Ce dispositif, proposant pour 49 euros par mois cet été aux 16-27 ans de voyager à volonté sur l’ensemble du réseau des trains régionaux, a séduit moins que prévu. Pointés du doigt : la SNCF et les régions qui l’ont peu promu.

La promesse était belle mais l’objectif trop ambitieux. Révélé sur le réseau social TikTok par Emmanuel Macron le 4 juin, le Pass rail a permis aux 16-27 ans d’accéder de manière illimitée aux trains régionaux (TER) et aux Intercités pour 49 euros par mois, en juillet et en août. Cette formule devait encourager les jeunes à voyager en train et à délaisser la voiture, dans l’objectif d’effectuer des trajets toujours plus écologiques.

En deux mois et demi de commercialisation, du 5 juin au 17 août, 235 000 Pass rail ont été vendus. D’après Régions de France qui est à l’origine, avec l’Etat, de ce dispositif, 2,3 millions de billets ont été réservés au 27 août : 2 millions en TER et 290 000 en Intercités.

Néanmoins, le ministère des transports, lui, visait un « potentiel maximum » de 700 000 clients, soit 10 % de la classe d’âge des 16-27 ans en France. « Nous nous sommes retenus de donner la moindre prévision, donc nous ne sommes pas déçus », se défend un expert de Régions de France.

Si le Pass rail « n’a pas eu le succès escompté », c’est en partie « à cause des régions », juge François Delétraz, président de la Fédération nationale des associations d’usagers des transports. Elles n’ont presque pas communiqué sur ce dispositif parce qu’elles ont leurs propres réductions et veulent être indépendantes

« Le Pass rail est une mesure commerciale parmi les autres offres régionales », assume de son côté Régions de France.

« Super excuse pour voyager »

Toutefois, les chiffres sont bien plus encourageants que ceux de l’ancienne version, le Pass jeunes TER. Les 12-25 ans avaient alors la possibilité de voyager de manière illimitée sur l’ensemble du réseau TER pour 29 euros, l’été 2020, ainsi que celui de 2021. Ce sont 70 000 exemplaires qui avaient été vendus en 2020 et 84 000 l’année suivante. « J’ai visité toute la France grâce à ce Pass en 2021 », se souvient Gaspard, 24 ans, qui a renouvelé son achat – d’un Pass rail cette fois – pour l’été 2024. Convaincu de « l’importance des lignes de TER », son achat est avant tout « politique ». « Je l’ai acheté pour gonfler les statistiques et montrer à 1 quel point ce type de dispositif pour les jeunes est primordial », confie-t-il.

Si le Pass rail n’a pas réussi à atteindre les objectifs fixés par l’Etat, il fait le bonheur de ceux qui en ont fait l’acquisition. Agathe, 22 ans, l’a utilisé pour juillet et août. « J’ai visité Marseille, Cherbourg, Granville, Rennes et même Genève, en Suisse », énumère l’étudiante en cinéma qui est montée dans dix-neuf trains pour quatorze trajets. Elle a rentabilisé son abonnement en seulement un aller- retour Paris-Cherbourg pour rendre visite à ses parents, affiché à 60 euros sur l’application SNCF Connect.

« C’est une super excuse pour voyager », reconnaît Sarah, 21 ans. En juillet, elle a choisi une destination au hasard en regardant la carte des lignes de TER. C’est comme ça que son copain et elle se sont retrouvés à Troyes le temps d’une journée, « des petites vacances rapides et dépaysantes », se réjouit-elle.

Manque de fluidité

Malgré les bonnes expériences vécues lors de leurs voyages, plusieurs jeunes déplorent le manque de fluidité au moment de réserver leurs billets. « Pour mon trajet de Bourg-Saint-Maurice à Marseille, l’application SNCF Connect ne me proposait que des TGV » qui ne sont pas compris dans le Pass rail, raconte Raphaël, 25 ans. « J’ai dû me débrouiller avec une carte pour trouver des trajets en TER et Intercités », soupire-t-il. Florentin, lui, déplore « des fonctionnalités de l’application cachées et mal rangées » et du temps perdu par « beaucoup de calculs d’itinéraire ». « Nous avons souligné auprès de l’Etat l’importance de pouvoir rechercher, sur l’application, une destination avec un filtre ne mettant en exergue que les trains régionaux, mais nous n’avons pas eu de retour », indique Régions de France.

Autre mauvaise surprise : des TER étaient payants dans certaines régions en raison d’une trop forte affluence. Léo, 23 ans, a interpellé la SNCF et le réseau TER de Bretagne sur X en constatant que son trajet de Rennes à Plouaret-Trégor était affiché à 15 euros sur SNCF Connect. « Les places au tarif Pass rail peuvent être limitées en cas de forte affluence », lui a répondu le réseau TER de Bretagne le jour même. « La promesse, c’était que tous les TER et les Intercités seraient gratuits », s’indigne le jeune homme, malgré leur justification.

En dépit de ces désagréments au moment des réservations, ces voyageurs semblent prêts à réitérer l’expérience. Surtout si les conditions restrictives disparaissent. « J’aurais aimé une formule ultra-souple qui va au-delà du TER et qui soit accessible à tous et tout au long de l’année », confie Florentin.

Article paru dans Le Monde par par Noa Moussa

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